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TIMOTHÉE CHALAMET virage électrique

Je ne sais pas si je devrais confier ça, c’est assez intime, prévient Timothée Chalamet, mais quand tu es acteur, dans ta tête, c’est un peu comme si tu étais en permanence à table avec trente personnalités, tu dois faire en sorte de toutes les ménager sans devenir dingue.”

Parmi ces invités, on retrouve bien sûr tous les personnages qu’il a incar-nés à l’écran, mais aussi sa personnalité fantasmée par le public et avec laquelle l’acteur doit composer: un kaléidoscope où se mêlent des traits authentiques, d’autres nés de l’imagination du public, et d’autres encore sciemment mis en scène par l’acteur. Et pour finir, il y a celui que j’ai en face de moi, le chef de ce petit orchestre, Timothée Chalamet himself. “C’est quand ce mec-là ne s’entend pas avec les autres que ça peut devenir compliqué.”

Un soir d’été, à l’heure à laquelle je vais habituellement me coucher, le véritable Timothée Chalamet sonne à la porte de mon immeuble de Manhattan. Malgré la chaleur accablante, l’acteur porte un hoodie, capuche relevée sous une veste en jean. Sur son visage, il arbore un masque – un accessoire qui, malgré sa promesse d’anonymat, attire le regard des curieux plus qu’il ne le repousse pas, surtout en pleine nuit. Il marche d’un pas alerte, profitant de sa liberté de mouvement.

En cette saison, c’est la nuit qu’il préfère sillonner les rues de sa ville natale, dans les ténèbres, tel Batman. “Tu sais où je peux trouver un sandwich?”, me demande-t-il. “Moi, je pourrais me contenter de ça”, dit-il en désignant une bodega miteuse où rôdent habituellement plus de chats que d’humains, “mais tu connais sûrement un endroit un peu mieux !” Je parviens à le convaincre de manger un plat de pâtes dans un restaurant encore ouvert. La conversation s’engage sur ses prochains blockbusters – Wonka et Dune : Deuxième Partie – avant de dériver sur l’évolution générale de sa carrière et de sa personnalité depuis notre dernière rencontre, en 2020.

“Je suis plus apaisé que pour notre dernière interview à Woodstock, pas vrai?”, lancet-il. Nous étions alors dans le premier été de la Covid, une période qu’il a passée à New York et dans la campagne avoisinante, en s’efforçant de ne pas perdre la boule. À 24 ans, sa carrière hollywoodienne était en plein boom et les rôles dont il avait toujours rêvé enfin à sa portée. Pourtant, comme nous tous à l’époque, il est complètement coincé, brûlant de se remettre au travail. “Après la fin du lycée, se remémore-t-il, j’avais souvent la tête dans les nuages, je fantasmais ma future vie d’acteur, et je négligeais complètement celle que je menais. J’étais complètement déconnecté des choses concrètes de la vie. Ce n’est jamais bon.”

Cet été, lors de cette rencontre, il a trois ans de plus au compteur, il a pris de la bouteille, et semble m’inviter à mesurer la distance parcourue. Côté chiffres, c’est la troisième fois que Timothée Chalamet fait la couverture de GQ, et cet article forme le troisième volet de ce qui est devenu, par la force des choses, un projet au long cours.

IL Y A SIX ANS, QUAND JE LE RENCONTRE pour la première fois, il en est aux prémices de sa gloire, après sa performance saluée dans Call Me by Your Name. La personne que je découvre vit les derniers instants de sa vie d’avant. Quand je le retrouve trois ans plus tard pour le deuxième épisode, j’ai face à moi un jeune homme qui prend de plein fouet son succès fulgurant. Aujourd’hui, on reprend les choses où elles en étaient : on marche, on discute et on fait le point sur sa carrière extraordinaire, qui a encore de belles heures devant elle.

“Mon ami Julian fait des Polaroïd de tous ceux qui ont vécu dans son appart”, raconte-t-il, et chez lui, il y a une photo de moi de 2015. Quand je l’ai revue, avec ma tête de l’époque, je me suis dit: “Mec, t’as vécu sept vies depuis!” L’effet mécanique du temps qui passe n’explique pas tout, l’acteur a – légitimement – le sentiment d’avoir franchi plusieurs caps dans sa carrière depuis. Il évoque notamment la lecture du best-seller d’Oliver Burkeman (la thèse centrale: une vie ne dure en moyenne que 4 000 semaines, comment faire en sorte de profiter de chacune d’entre elles ?), l’histoire du Club des 27 (il a fêté ses 27 ans en décembre dernier), mais aussi la petite musique qui s’installe insidieusement chez tous les gens de son âge. “Maintenant, quand je vais sur Instagram, je vois des amis du lycée qui se marient, qui ont des enfants. Même à ma place, très confortable, et avec la chance que j’ai eue, tu ne peux pas t’empêcher de te demander: combien de temps me reste-t-il avant de devoir changer ?”

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