L'Express

Robert Badinter, l’avocat historique du journal

«Jean-Jacques a été le plus grand récidiviste que j’ai connu, sachant le nombre de condamnations qu’il a encourues en tant qu’écrivain et patron de L’Express. » Dans la bouche de Robert Badinter, c’est un beau compliment. D’autant qu’il ajoute : « C’était « J’étais la petite main de l’avocat Georges Izard. Lui se chargeait des dossiers importants, et moi du reste. Jean-Jacques était un fournisseur habituel de la 17 chambre correctionnelle, d’autant que surgissaient moult textes répressifs liés à la guerre d’Algérie et à la décolonisation. » L’Express est régulièrement saisi en Algérie et parfois en métropole. A six reprises entre mai et août 1960. A chaque fois, il faut modifier les textes incriminés, et réimprimer des centaines de milliers d’exemplaires. Ruineux, mais la publicité ainsi offerte par le gouvernement dope les abonnements. Robert Badinter, lui, est appelé au marbre pratiquement tous les soirs de bouclage. « A la demande de Françoise Giroud, j’examinais à la loupe les articles pour l’avertir des risques de procès en diffamation ou de saisie. Elle avait le talent d’extirper le venin judiciaire tout en conservant le venin politique. Le papier en ressortait toujours aussi aigu et féroce. » D’autres plumes célèbres venaient en renfort en cas de saisie comme, en 1958, Mendès France, Sartre et Mitterrand. « Quant à François Mauriac, il savait user de formules inattaquables pour se montrer très cruel. » Un jour, en conférence de rédaction, le jeune avocat l’entend expliquer : « Ce n’est pas ma faute, je suis méchant. » Pas question d’atténuer outrageusement le propos. Pas question de se coucher sous la menace de poursuites jugées imbéciles. JJSS dépassait les limites avec ardeur. « S’il y avait eu des palmes de l’audace, il les aurait collectionnées », résume Robert Badinter. Le journal dénonçait les législations d’exception, les horreurs de la torture, les violations des libertés. « C’était une rédaction brillantissime menée par un homme et une femme d’exception qui eurent ce journal pour bébé. » L’ancien garde des Sceaux insiste pourtant : « L’Express est né de la volonté de porter Pierre Mendès France au pouvoir, et non d’offrir une tribune à la plume d’un homme. »

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