GQ France

L’ANXIÉTÉ ET L’EXTASE de RASHID JOHNSON

COMMENT ESTIMER le succès d’un artiste sur l’île de Manhattan? En se fiant à son patrimoine immobilier. Selon cette unité de mesure, le succès de Rashid Johnson est indéniable. Ce jeudi après-midi, il se tient dans le lumineux salon de la maison blanche XIXe qui appartenait au regretté leader de The Cars, Ric Ocasek, ainsi qu’à sa femme, la mannequin Paulina Porizkova, et qu’il a achetée en 2020 pour 9 millions de dollars. Juste en face vit le couple d’artistes Rachel Feinstein et John Currin; Oleg Cassini, le créateur de mode italo-russe, a quant à lui vécu un peu plus bas. Cette maison est nichée, en rangée, au cœur du “Block Beautiful”, le tronçon arboré de East 19th Street, à Gramercy Park, où accourt la fine fleur des écrivains, musiciens, peintres, créateurs et architectes depuis plus d’un siècle, ce qui a de facto transformé le quartier en une colonie d’artistes.

Avant d’emménager dans cette maison de 540 m2 avec sa femme, l’artiste d’origine iranienne Sheree Hovsepian, et leur jeune fils Julius, Rashid Johnson a supervisé la rénovation brute de la résidence pour faire place à son impressionnante collection de tableaux, de sculptures, et de photographies. Sur un mur proche de la cuisine, je reconnais une œuvre de 2012 de l’artiste conceptuel David Hammons, Untitled (Basketball Drawing), qu’il a composée en faisant rebondir de manière répétée un ballon de basket enduit de charbon et de terre sur une feuille de papier géante. “Évidemment”, lâche Rashid Johnson tandis que je me tourne vers la toile, comme s’il eût été une hérésie de sa part de ne pas posséder un Hammons, ce dernier étant peut-être son ancêtre le plus direct.

D’un charisme désinvolte, Rashid Johnson, qui a fêté ses 46 ans en septembre, a récemment tombé les dreadlocks pour une coupe à la serpe. Du haut de son un mètre quatre vingt-dix, il présente un port athlétique – dans son Chicago natal, il jouait au foot et au baseball, et continue à faire de l’exercice six jours sur sept, au petit matin; au programme: Pilates, haltérophilie, cross-training chez Barry’s Bootcamp. Grâce à cet entraînement, il a récemment perdu 10 kilos. “Je suis à fond dedans”, résume-t-il.

Sa réputation n’a cessé de grandir depuis qu’on l’a vu émerger comme photographe à New York au début des années 2000, puis évoluer à une vitesse folle vers une approche artistique multidisciplinaire entre peinture, film, sculpture, et à présent des installations monumentales. “I was talking to Rashid” est un refrain qui n’en finit pas de tourner dans le monde de l’art, preuve qu’une partie de son travail consiste aussi à soutenir celui des autres. Son influence est telle qu’à un âge relativement jeune, il a déjà l’aura d’un homme d’État; quand on l’observe se mouvoir dans une fête, on distingue en lui une figure tutélaire issue de son enfance à Chicago: Harold Washington, le premier maire noir de la ville. Pour David Breslin, curateur du département d’Art moderne et contemporain du Met, l’ascension de Rashid Johnson émane du temps passé à “s’impatienter dans son studio”, lui qui a fait connaître son travail dans les moindres recoins du monde de l’art – galeries, journaux d’art, magazines, collections privées. “Sa démarche dénote avec une acuité radicale ce que cela signifie de ne pas venir du sérail”, note David Breslin. “À présent, on peut dire qu’il est le roi.”

Rashid Johnson

Vous lisez un aperçu, inscrivez-vous pour lire la suite.

Plus de GQ France

GQ France4 min de lecture
“On N’a Pas Les Mêmes Besoins En Préparation Mentale Après Cinq Ans De Pratique”
Vous deviez démarrer votre saison début mars du côté d’Abu Dhabi mais la compétition a été annulée en raison des intempéries. Comment cet imprévu a impacté votre préparation ? J’étais sur place depuis une semaine pour l’acclimatation et on n’a rien
GQ France8 min de lecture
Une Hair Nouvelle
ÀTRENTE ET UN ANS j’avais atteint un point de non-retour capillaire : soit j’avais recours à une greffe de cheveux, soit je devais me résoudre à tout raser dans un futur très proche. Deux choix tout aussi honorables. Au fil des années, mes golfes se
GQ France3 min de lecture
Un Bijou À L’heure Du Temps
LA TOUTE-PUISSANCE des montres de sport en acier inoxydable, en particulier celles signées Gérald Genta comme la Patek Philippe Nautilus et la Royal Oak d’Audemars Piguet, commence à perdre de la vitesse chez les collectionneurs. Le public masculin o

Associés