NOUS SOMMES DANS LES SOUS-SOLS DU PALAIS DE TOKYO À PARIS. Alton Mason, flamboyant, émerge de l’obscurité. On dirait un héros Marvel sorti des ténèbres : il est vêtu d’un long manteau noir et de gigantesques bottes compensées, des tresses épaisses encadrent son visage anguleux, électrisé par les beats techno qui pulsent au loin. Le défilé Rick Owens automne-hiver 2023 va commencer dans 30 minutes. Et il doit prendre une décision: “Rick est venu me voir il y a environ une heure et il m’a dit : ‘Écoute, c’est à toi de décider, mais ça te dirait de te raser la barbe?’”, raconte Mason, en se caressant la barbichette.
DANS LE BUNKER DU PALAIS DE TOKYO, ce jour-là, il est le seul mannequin à avoir encore du poil au menton. Rick Owens aime les corps nets et lisses. Ses mannequins sont mis au service de sa vision dans ses défilés et, aujourd’hui, une horde de coiffeurs et maquilleurs s’occupent d’eux. Certains, d’un coup de pinceau appuyé, tracent des V noirs sur les visages; d’autres plaquent des lentilles noires sur la cornée. “Rick m’a dit que c’était à moi de décider et que je n’étais en aucun cas obligé de le faire, poursuit Mason, se caressant à nouveau le menton. J’étais un peu perplexe, mais il m’a dit d’y réfléchir et il s’est éloigné.” Que Rick Owens lui ait laissé le choix montre à quel point Alton Mason jouit d’un statut à part. Habituellement, personne ne se soucie de l’avis des mannequins. Leur job est simple: servir la vision du créateur et suivre les instructions qu’on leur donne.
l’égal des stylistes – du moins pas pour le moment (il a pour projet d’en devenir un) –, mais il est le seul mannequin masculin de l’industrie à qui on accorde une telle importance aujourd’hui. Il est respecté, admiré, et son influence ne cesse de s’étendre au-delà du cercle restreint de la mode. C’est pour ça que, même quand on est Rick Owens, on hésite à lui donner des ordres.