C ’est un territoire long de cinq kilomètres, dépourvu de routes. Avec ses plages en croissant, ses palmiers et sa proximité avec l’aéroport international, Malolo, l’une des îles les plus populaires de l’archipel des Fidji, est devenue un terrain de jeu pour plaisanciers milliardaires et autres célébrités en mal d’intimité. Lorsque l’on se balade le long de la côte, sur le modeste bateau-taxi de Ratu « Jona » Joseva, Fidjien de 32 ans, il n’est pas rare de disparaître à l’ombre d’un superyacht à 45 millions de dollars.
Sur le rivage ce jour-là, les chiens de Jona sautent du bateau, excités à l’idée d’attraper des mulets. En vain. « Pas de poissons », lâche leur maître, dépité. La raison ? L’absence de corail, dont la disparition a conduit à un effondrement de l’écosystème. Le récif cristallin a laissé place à un cimetière : un profond chenal ouvre une voie d’une trentaine de mètres jusqu’à la plage, où une grande barge couverte de graffitis déverse sa ferraille rouillée. Des cabines de sécurité désertées trônent de part et d’autre d’un portail. Un panneau peint à la hâte met en garde : « Défense d’entrer. »
Cette atmosphère à la Walking Dead ne fait qu’empirer le long du récif. Des dizaines de camions de chantier rouillés, aux vitres soufflées par les cyclones, bordent la route, en se vidant de leurs fluides douteux dans ce qu’il reste de la mangrove. Poutres d’acier et tuyaux corrodés jonchent les broussailles. Des piles de bois pourrissent dans un ruisseau d’un vert toxique. Et c’est comme ça sur plus d’un kilomètre de côte jalonné d’avertissements en chinois, au bout duquel un panneau promotionnel délavé vante ce que le site aurait dû devenir : une merveille tropicale de 25 hectares, avec 370 villas aux toits de chaume, des piscines à débordements et des bungalows les pieds dans l’eau.
Ce devait être le plus grand complexe hôtelier des Fidji et le premier casino de