Mardi 11 juillet, 10 heures du matin : tout juste arrivé à Vilnius pour le sommet de l’Otan, Emma nuel Macron annonce la livraison de missiles à longue portée aux Ukrainiens. Sur Twitter, c’est le déchaînement : « Macron va finir par nous entraîner dans une guerre contre la Russie » (Sophia Chikirou, LFI) ; « Je ne comprends pas qu’Emmanuel Macron ne soit pas intégralement concentré vers l’organisation d’une conférence pour la paix » (Marine Le Pen) ; « Comme pour l’Afghanistan, la Libye et la Syrie, on vous ment sur l’Ukraine » (l’essayiste controversé Idriss Aberkane) ; et jusqu’à Fanny Ardant, qui fustige les « laquais des Américains ».
On pensait qu’ils avaient perdu de leur superbe après la décision, insensée, de Vladimir Poutine d’envahir l’Ukraine. Et que le massacre de Boutcha, la destruction du barrage de Kakhovka ou la marche sur Moscou des mercenaires de Wagner, qui a révélé les fissures du pouvoir russe, fin juin, les décourageraient. Il n’en est rien. Les pro-Kremlin sont toujours là. Certes, ils ne fanfaronnent plus. Fini les déclarations fracassantes, à l’image d’un François Fillon assurant que Poutine est un allié contre le djihadisme. Ou d’un Jacques Sapir, économiste connu pour ses saillies antiaméricaines, qui promettait aux Européens en octobre 2022 dans Russia in Global Affairs, le journal des élites moscovites, un hiver « difficile, froid et sombre » après les coupures de gaz russe. « Ses articles déforment la perception de la France et en donnent une vision dégradée, telle que veut le voir le pouvoir russe, s’insurge un chercheur français. C’est scandaleux. »
Sans se renier, les poutinolâtres ont donc repris leur flambeau. « Ils ont constitué leur propre écosystème médiatique, observe Olivier Schmitt, professeur en sciences politiques à l’université du Sud- Danemark. Même s’ils n’ont pas une diffusion immense, leurs cercles de discussion totalisent plusieurs millions de vues. » Pour Cécile Vaissié, auteure des Réseaux du Kremlin en France (Les Petits Matins, 2016), « on ne les prend pas assez au sérieux. Pourtant, certains d’entre eux véhiculent des thèses complotistes sur les vaccins ou nourrissent des discours de haine pendant les émeutes. Il y a un point commun entre les propagandistes pro- Kremlin et d’autres vecteurs de schémas conspirationnistes. Tous ont pour but de saper la confiance dans l’Etat. »
Protéiforme, le courant prorusse cherche par tous les moyens à élargir son audience. « Pour saper le soutien de l’opinion publique à l’Ukraine, ils martèlent que les Occidentaux nous entraînent dans la troisième guerre mondiale, poursuit Cécile Vaissié. Un argument difficile à parer :