Quand les émeutes de 2005 ont éclaté, Nahel M. n’était pas né. Une génération sépare donc la flambée de violences urbaines parties de Clichy-sous-Bois (Seine- Saint-Denis) – suite à la mort de deux adolescents –, de celles qui se sont propagées après qu’un jeune homme de 17 ans a été tué par un policier à Nanterre (Hauts-de-Seine) le 27 juin. Entre-temps: quoi? Rien, ou pas grand-chose. Les mêmes images. Les mêmes discours. Par l’effet des caméras braquées, le sentiment d’un surplace tragique. Heureusement, de nombreuses réussites s’écrivent à l’ombre de ces images de feu. Des pour qui les choses ont bien tourné, des qui « s’en sont sortis ». Ceux-là quittent le plus vite possible les quartiers où ils ont grandi, laissant ceux qui restent et ceux qui arrivent se débattre avec les mêmes problèmes endémiques, ou les perpétuer.
A mesure que les images défilent, ces derniers jours – magasins pillés, bus et tramways brûlés, policiers pris pour cible, abribus saccagés, poubelles et voitures incendiées –, on se demande: comment en est-on arrivé là? Sur les réseaux, circule cette séquence filmée au téléphone d’une femme seule, à Villeurbanne (69), qui tente de s’interposer pour que les émeutiers ne s’en prennent pas à l’école: « Pas l’école, s’il vous plaît », leur crie-t-elle. Oui. Comment en est-on arrivé-là? Les problèmes d’une telle ampleur ne naissent pas du jour au lendemain. En France, quarante années de désastre ont sédimenté. Nous tentons ici d’en dresser une liste non exhaustive.
• Les dégâts d’une com’ politique sans lendemains
Parfois, un chiffre en dit plus qu’un édito. De mai 2007 à avril 2018, la Seine-Saint- Denis a reçu le nombre record de 2 700 visites officielles, soit une moyenne de 20 visites par mois. C’est-à-dire une par jour, quasiment, si l’on soustrait les weekends… Ce pointage de la préfecture de Seine-Saint-Denis, cité dans le rapport parlementaire de 2018, résume tout du décalage délétère entre l’omniprésence de la communication et la persistance des problèmes ces quarante dernières années. « Moins ça peut, et plus ça cause », disent les grands-mères. A mesure que les ministres, Premiers ministres et présidents annonçaient « des politiques prioritaires » avec barre d’immeubles en arrièrefond, c’est