Un mince dossier à la couverture rouge sépia estampillée « Service régional de police judiciaire de Reims ». Une étiquette jaunie par le temps explicite son contenu en deux lignes dactylographiées : « Suicide du docteur Bosquet rue Buirette à Reims, le 23 mars 1952 ». À l’intérieur, sept procès-verbaux, un croquis malhabile et quatre photos en noir et blanc racontent un sanglant fait divers.
Ce dimanche-là, un ciel gris pèse sur la capitale champenoise. Il est 14 heures, le téléphone sonne chez le radiologue Max Segal. D’une « voix posée », dira-t-il aux enquêteurs, son ami le chirurgien Gilbert Bosquet lui annonce un carnage : « Tu sais les bruits qui courent, que j’ai eu de sérieux ennuis de jeu au Cercle Noël […]. Nous avons décidé d’un commun accord de nous supprimer tous. Pour ma femme et mes enfants, c’est déjà fait, et pour moi, ce sera fait dès que tu arriveras. Tu trouveras les clés [de la maison] dans ma voiture. »
Le médecin se précipite au domicile de la famille Bosquet, à l’angle des rues Buirette et Jeanne-d’Arc. Depuis le vestibule, des râles guident ses pas jusqu’au premier étage de ce bel hôtel particulier. Là, dans une chambre, il découvre quatre corps sur le lit. La petite Catherine, 11 mois, son frère Gilles, 3 ans et demi, et leur mère Renée, 29 ans, sont morts. Leur père, 31 ans, est à l’agonie. Tous ont été mortellement touchés par balle à la tête.
Ce fait divers glaçant, les cinéphiles avertis le reconnaîtront sans peine. Il a nourri le scénario du long métrage de Jacques Rouffio Sept morts sur ordonnance, sorti dans les salles en décembre 1975. Un jeune acteur prometteur, Gérard Depardieu, y incarne Gilbert Bosquet, alias Dr Berg, au côté de Jane Birkin.
Charles Morat, 35 ans, est le petit-neveu du chirurgien Bosquet. précise ce père de deux jeunescomme il l’appelle, squatte le salon de son appartement parisien, où s’empilent documents et dossiers.