UN GRAND ACTEUR NAÎT-IL officiellement lorsqu’on trouve les mots justes Upour définir son talent? Une carrière se dessine souvent aux adjectifs qu’on attribue à quelqu’un. Ils dessinent un horizon d’attente. Tout au long de sa carrière, Vincent Cassel a été décrit en des termes énigmatiques, dont le préfixe induisait davantage la privation que la plénitude: insaisissable, impétueux, imprévisible, impertinent ou impatient. Ces qualificatifs qui trimballent avec eux un sentiment de méfiance et de tension nous invitent à rester sur nos gardes, alors que notre rendez-vous avec l’acteur approche à grands pas. Bondira-t-il si l’une de nos questions n’est pas à son goût? Coupera-t-il court au dialogue si notre jugement à propos d’une œuvre n’est pas le sien? Autant l’annoncer d’emblée: ces interrogations se sont évaporées en un claquement de doigts dès lors que nous avons fait sa connaissance. Les doux attributs que certains avaient pu lui coller par le passé ont eux aussi pris la porte.
On a régulièrement, et à raison, considéré l’acteur comme un homme d’action, exécrant le surplace et le bavardage, mais jamais ne l’aurait-on pensé méditatif. Ce sont avec des “questionnements métaphysiques” plein la tête que Vincent Cassel entame la conversation. Comme des millions de Français, le comédien a pris de plein fouet l’annonce du confinement en mars 2020. Cloîtré chez lui, tout juste papa d’une petite fille avec son épouse Tina Kunakey, il a vu les cinémas baisser leurs rideaux et les tournages être mis à l’arrêt. Deux années durant, il n’a plus rien tourné et s’est confronté à ce que d’aucuns appelleraient l’ennui, un moment où l’on se retrouve à faire face à ses pensées. Souvent les plus profondes et les plus inquiètes. “Je me suis beaucoup interrogé sur ce qui se passait et ce qu’on nous faisait vivre, se confie-t-il. Quelle est