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Elisabeth Borne : vous voyez bien que vous voyez mal

Qui l’eût cru ? Le 31 janvier, François Ruffin regarde Elisabeth Borne et voit Alain Juppé, tandis que Fabien Roussel dans un lapsus la confond avec Margaret Thatcher. La ressemblance physique avec le premier n’est pas frappante, la comparaison politique avec la seconde semble grotesque. Ainsi va la vie publique dans ses caricatures, ses excès, ses zigzags. Il faut dire que depuis qu’elle est à Matignon, la Première ministre trouble, rarement là où on l’attend. Elle ne cesse d’étonner, pour le meilleur et pour le pire. « On la découvre comme celle qui serre les dents », se réjouit un ministre. « Forrest Gump », ose un ancien : elle serait plutôt celle qui, sans en avoir toutes les qualités, bouche les trous à chaque fois dans une équipe gouvernementale…

Vous voyez bien que vous voyez mal. La réforme des retraites est le prototype du contre-pied. Elisabeth Borne rêvait sinon d’un accord, en tout cas d’une paix armée avec Laurent Berger et la CFDT, elle conclut un pacte avec Eric Ciotti et LR, encore choyés dans l’interview du 5 février. Elle paraissait armée pour ce combat socio-économique. Elle n’a jamais eu une image régalienne, même si, en 2020, pendant quelques heures, l’idée de l’envoyer place Beauvau a germé dans les têtes du secrétaire général de l’Elysée Alexis Kohler et du très influent Richard Ferrand. On pouvait donc penser qu’un dossier comme les retraites siérait plus à son ADN. Sa dextérité technique ne fait pas débat. Lorsque le texte est dévoilé, Matignon l’axe autour de trois piliers : justice – le mot a été ajouté contre l’avis de certains ministres et rendra l’Elysée un peu chafouin –, équilibre, progrès, c’est beau comme l’antique. Et précisément c’est sans doute un peu daté. Il ne sert à rien d’être trop carré dans une époque qui ne tourne pas rond. C’est le cœur du problème Borne. D’un côté, la raison. « On retrouve ce qu’elle est profondément : elle a la conviction que la retraite par répartition est la clef de voûte de notre histoire sociale et son prisme rationnel l’amène à considérer que si on n’arrive pas à mener une réforme comme celle-là, documentée, c’est qu’on a un problème de solidarité collective », expose un fidèle. De l’autre, le pays, une partie au moins, qui refuse de croire que deux et deux font quatre. Et qui se braque. Elle en a parlé avec le chancelier Olaf Scholz, qui lui a relaté que « les Allemands ne paniquent ni face à l’inflation ni face à la crise énergétique ». Oui, les Français ne sont pas allemands. Depuis sa présentation le 10 janvier, la réforme des retraites ne cesse de perdre du soutien dans l’opinion. Notre cartésienne Première ministre a échoué à convaincre.

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