ELLE EST L’HÉROÏNE du film Le Procès du siècle, qui met en scène son combat juridique contre le négationniste britannique David Irving. Historienne spécialiste de la Shoah et professeure en études juives à l’université Emory, Deborah Lipstadt a été nommée par Joe Biden envoyée spéciale en charge de la lutte contre l’antisémitisme. Lors d’un passage à Paris organisé par l’American Jewish Committee (AJC), l’ambassadrice a accordé sa seule interview à L’Express.
L’antisémitisme va bien au-delà de la seule menace pour les juifs, martelez-vous. Que menace-t-il d’autre?
Eh bien tout simplement les gouvernements démocratiques. Si l’antisémitisme est, d’un côté, un préjugé comme un autre – tels le racisme, l’homophobie, la haine antimusulmane… –, il possède aussi des caractéristiques uniques. Notamment celle d’être une théorie du complot. L’antisémite est convaincu que les juifs contrôlent les médias, les banques, le gouvernement, etc. C’était déjà le au début du xxe siècle, et ça l’est encore aujourd’hui avec la théorie du « grand remplacement », dans laquelle les juifs seraient des marionnettistes, et les Noirs ou les Arabes les marionnettes. Cette idée d’une emprise cachée sur le monde ou sur les nations dissout toute idée de confiance dans l’intégrité du gouvernement, de la justice, des médias ou du système électoral, bref, toute confiance dans la constitution démocratique.