Se plaindre de ne pas avoir assez de mémoire est assez courant. En revanche, se lamenter de ne pas suffisamment oublier est plus rare. Dans l’esprit de beaucoup, une bonne mémoire se souvient de tout, l’oubli n’étant rien d’autre qu’un “bug” du cerveau. Pourtant… Nous devrions tous louer notre faculté à oublier ! Comme s’y est employé, dès le XIXe siècle, le philosophe allemand Friedrich Nietzsche : fermement opposé à tout attachement excessif au passé et partisan d’un présent vécu pleinement, il soutient, dans son ouvrage La Généalogie de la morale (1887), que, sans oubli, “nul bonheur, nulle sérénité, nulle espérance, nulle fierté, nulle jouissance de l’instant présent ne pourraient exister”. C’est que, paradoxalement, ce phénomène est indispensable au bon fonctionnement de notre mémoire. Et sans lui, la vie serait un enfer, comme l’a encore rappelé une étude publiée en juin 2022 dans la revue Nature Communications et portant sur des victimes des attentats de Paris, en 2015…
Par définition, l’oubli correspond à “une disparition involontaire d’une information stockée en mémoire ou à une diminution de la capacité à rappeler cette information”, cadre Robert Jaffard, neurobiologiste, membre du conseil scientifique de l’Observatoire B2V des mémoires et coauteur de (éd. Le Pommier).