Michel Schneider, un esprit intransigeant et moral
Nous avions Michel Schneider, et nous ne le savions pas. Je dis « avions » parce qu’il nous a quittés le 22 juillet dernier, discrètement. Je dis, « nous ne le savions pas » parce que sa place dans notre paysage littéraire et intellectuel n’a pas été, je pense, justement estimée.
Il vivait dans son exil intérieur, dont la matière première était la nuit
Bien sûr, il était là, visible, actif, à certains, il recevait des prix littéraires. Je crains cependant que trop souvent il n’ait été vu comme un esprit fin, anticonformiste certes, mais enfin accroché malgré tout à ces grandeurs d’établissement qui permettent d’épingler sur le liège social le spécimen humain, afin de ne plus l’en déplacer, en se disant qu’on saura où le trouver, à quoi l’assigner: l’ENA, la Cour des comptes, la psychanalyse, la critique littéraire… En réalité, il n’était pas là. Il vivait dans son exil intérieur, dont la matière première était la nuit. L’oubli, le souterrain, l’obscurité, le secret étaient son élément. Il ne tentait pas de ramener à la lumière ce qui était caché, mais d’inventer une langue pour dire le secret. Il traquait l’absence et le deuil. Il écrivait « dans le noir »: titre d’un de ses essais récents (, 2017) fouillant la part d’ombre, la conscience nocturne, de ces écrivains immenses dont il s’était choisi la compagnie, de Chateaubriand à Proust.
Vous lisez un aperçu, inscrivez-vous pour lire la suite.
Démarrez vos 30 jours gratuits