AJohanna Martzy (1924-1979), son maître Jenö Hubay avait prédit qu’elle deviendrait « l’une des dix plus grandes violonistes au monde ». Après un début de carrière fulgurant interrompu par la guerre, et un premier contrat chez DG suite à sa victoire au Concours de Genève 1947 (cf. no 702), l’artiste signe chez Columbia en 1953 et enregistre en deux ans une poignée de disques légendaires – tous réunis ici – avant de s’éloigner peu à peu de la scène.
Ses deux témoignages dans le concerto de Mendelssohn (en 1954 avec Sawallisch, en 1955 avec Kletzki) montrent un jeu net et affirmé, dont le style lumineux, la métrique très stable s’apparentent à la tradition de Flesch. Cette sobriété plutôt germanique la distinguait des violonistes d’Europe centrale. Martzy interprète le KV 216 de Mozart (dirigé par Sawallisch) avec élégance et pudeur, le chant est habité, l’autorité d’archet impressionnante. Son concerto de Brahms captive plus encore. Soutenue par un orchestre éloquent sans être trop massif sous la baguette de Kletzki, elle y donne la pleine mesure de son talent. Une articulation magnifiquement structurée, de puissants élans rhapsodiques, un chant volontaire et très expressif attestent une stature de premier plan.
Toujours avec Kletzki, les deux célestes Romances de Beethoven, reflets de sa culture raffinée, la montrent au sommet de son art. Sa légendaire intégrale Schubert, restée longtemps une incontournable référence, révèle une poésie sans mièvrerie dans les Sonatines. Au point d’équilibre entre grâce et robustesse, baigné d’un émoi palpable (Andante D 384), le dialogue avec le piano de Jean Antonietti respire le naturel, restitué dans une monophonie exemplaire. Aucune surexposition, ni le moindre élan narcissique, mais une succession de subtiles intentions, une pureté de style (Allegro moderato) et une sérénité absolue (D 385).