The Black Keys
Dropout Boogie
NONESUCH/WARNER
★★★½
UISQU’IL SERA LÂCHÉ à l’air libre vingt ans à un jour près après , le premier album du duo Auerbach-Carney – et accessoirement après être resté dans les tiroirs, pandémie oblige –, la tentation serait grande d’aborder onzième “effort” au tableau de chasse maison, à l’aune du chemin parcouru. Tentant donc et pas forcément… inapproprié tant, plus souvent qu’à son tour au fil des dix morceaux qui le composent, ce nouvel album “sacralise” l’homme de studio, l’homme de sons bien au-delà de ceux qu’il se plaît à faire emprunter à ses guitares, que Dan Auerbach est devenu au fil de ces deux décennies entre les quatre murs de son repère Easy Eye Sound, à Nashville. Tentant encore, puisqu’il “incarne”, aux dires un peu superfétatoires de ses protagonistes, une collaboration et une”… Mais s’il s’agit absolument de placer dans la perspective de la… frise temporelle du duo, c’est surtout par la volonté évidente de ce dernier de renouer avec une philosophie à l’ancienne, comme cherchant à se débarrasser de contingences commerciales que le statut du groupe l’avait amené à considérer, qu’il l’admette ou pas, depuis l’explosion de notoriété avec l’album il y a plus de dix ans maintenant. Impossible en effet de ne voir qu’un hasard à placer en premier titre ce “Wild Child” résolument radio-friendly, qui plus est accompagné d’un clip vidéo “chiadé” à souhait. En première ligne comme pour mieux et plus vite passer à la suite, à autre chose. y trouve (y gagne?) ainsi une progression presque inéluctable, du plus grand public (“It Ain’t Over” et ses incantations pop optimistes en mode “” et sa guitare Chewbacca feront à coup sûr des adeptes, malgré un break final un brin déconcertant!) vers des confins résolument plus blues, plus roots, plus jam, suivant ainsi un chemin balisé l’an dernier par l’album de reprises hillbilly (pour faire simple). Dans ce feu d’artifice sonore – au point parfois que l’on en viendrait presque à friser “l’album de producteur” au détriment des compositions elles-mêmes qui n’ont pas toutes la même force (“Your Team Is Looking Good” ou “How Long” limite trop faciles) –, la jolie virgule d’un “Good Love”, où la Gibson de Billy Gibbons trouve son chemin sans effort derrière la voix d’Auerbach, un solo rageur de ce dernier et un orgue torrentiel, fait mieux que servir d’assaisonnement au boogie millésimé 2022. Pour ce qui est de la sauce piquante, la fin de l’album, entre un “Burn the Damn Thing Down” réveillant – bruyamment – le fantôme de J.J. Cale et un “Didn’t I Love You” incandescent, saura être au rendez-vous.