n dit souvent du Bruxellois Fabrice Du Welz qu’il est un cinéaste de genre. Alors qu’il semble être surtout un cinéaste des sentiments salvateurs autant que destructeurs. Avec de la liaison amoureuse sur fond de tsunami purificateur (“Vinyan”), de la relation tordue bardée de meurtres sordides (“Alleluia”) et de la passion poétique entre deux adolescents fuyant un monde d’adultes (“Adoration”). C’est donc avec une Ici, celle de Benoît Poelvoorde dans “Inexorable”. Le foufou-zinzin belge qui a cumulé les comédies après le succès de “C’est Arrivé Près De Chez Vous” a aussi montré ses capacités de grand acteur dramatique à travers quelques films comme “Entre Ses Mains”, “Selon Charlie” ou “Une Histoire D’Amour”. Et, chemin de la vie faisant, s’est de plus en plus livré dans les médias sur son état dépressionnaire propre à certains grands génies comiques comme Robin Williams, Jim Carrey ou Coluche. A tel point qu’en acceptant “Inexorable” — de loin son meilleur rôle sérieux à ce jour —, Poelvoorde semble pratiquer une forme de rédemption en mettant ses propres anxiétés à nu. Il interprète un écrivain à succès qui, avec sa femme éditrice et leur petite fille, mène une existence bourgeoise qui va dérailler complètement quand une jeune et mystérieuse demoiselle de vingt ans débarque dans leur grande maison pour y semer la pagaille. L’engrenage infernal commence alors. Panne d’inspiration sévère pour l’écrivain, mise à jour d’un passé douteux, tension sexuelle et pétage de plombs s’ensuivent. Le tout sur fond d’un grand secret enfoui. Evidemment, Poelvoorde y est dantesque. Ses allers-retours entre crises d’angoisse, panne d’érection, brisures intérieures et excès de psychopathie font balancer l’esprit du spectateur entre la compassion sincère et l’angoisse sévère à son égard. A tel point qu’on oublie complètement l’autre face de l’acteur, celle du trublion hilarant des plateaux télé. Et ça, Du Welz l’a bien compris en gérant les failles les plus enfouies de sa “créature”. Mais sans pour autant laisser traîner sa caméra avec facilité sur le jeu puissant du comédien. Car Du Welz est un vrai réalisateur. Tellement cinéphile qu’il peut passer d’un style à l’autre tout en conservant la fluidité narrative de son histoire et le jeu impliqué des acteurs. Voir son premier film, “Calvaire”, qui mutait lentement d’un drame social campagnard à une ambiance cauchemardesque post “Massacre A La Tronçonneuse”. “Inexorable”, c’est carrément du Claude Chabrol qui vire au giallo italien. Plus le film avance et plus les cadres deviennent biscornus et la photo colorée. Assurée en 16 mm (histoire de rappeler que la pellicule existe toujours) par l’excellent Manu Dacosse, capable lui aussi de passer du film de genre (“Laissez Bronzer Les Cadavres”) au film d’auteur (“La Confession”). La tension montante d’ “Inexorable” doit aussi au jeu quasi pulsionnel des trois autres actrices: Mélanie Doutey en femme bafouée par le comportement inquiétant de Poelvoorde, la troublante Alba Gaïa Bellugi en intrigante sournoise venant briser le cocon familial à la façon du christique Terence Stamp dans le “Théorème” de Pasolini et l’incroyable Janaïna Halloy, la petite fille du couple, dont le soudain et glaçant pétage de plombs fossilise d’un coup le spectateur. Et symbolise à lui seul l’ambiance délétère d’ “Inexorable”, thriller émotionnel et viscéral d’une redoutable intensité (
