LE CONVOI DE LA DERNIÈRE CHANCE
La nuit tombe. Le sol de la gare vibre. Les passagers hâtent le pas, ployant sous le poids de valises dans lesquelles ils ont entassé toute leur vie. Ils partent pour un voyage sans retour. Ce samedi 26 février, les bombardements se rapprochent de Zaporijjia, dans le sud-est de l’Ukraine.
En entendant au loin les déflagrations, la foule traverse en pagaille les voies pour tenter de monter dans ce train de la dernière chance. Les trajets en voiture sont trop dangereux, et personne ne trouve plus d’essence dans les stations-service. La scène rappelle l’exode de juin 1940 en France, la débâcle. Pourtant, les Ukrainiens résistent avec leur armée régulière et des milliers de volontaires, hier profs, médecins, ouvriers, employés, aujourd’hui soldats. Mais les Russes sont là, si proches… Ils progressent vite, sur ce front ouvert depuis la Crimée. Des familles ukrainiennes, des étudiants marocains se pressent pour entrer dans des wagons soviétiques hors d’âge dont l’acier, repeint cent fois, ressemble à celui de bateaux érodés par les tempêtes. Ce train d’évacuation se rend à Lviv, à l’autre bout du pays, à la frontière polonaise. Plus de 1 000 kilomètres, dix-huit heures de voyage en frôlant des zones de combat. Il transporte deux fois plus de passagers que d’ordinaire: 300 par voiture. Sur le quai, une femme nous interdit de la photographier. Elle montre le ciel étoilé et crie dans un jet de vapeur gelée : « Spoutnik ! » Les Russes surveillent,
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