“J’ai dit beaucoup de choses incroyablement débiles quand j’étais plus jeune”
DE SON INDEX, DAMON ALBARN FAIT DÉFILER DES PHOTOS SUR SON IPAD. Au bout de deux minutes, le quinquagénaire, chaîne en or sur sweat-shirt noir, montre un cliché capturé en mars 2020. “C’est la vue de mon salon en Islande, décrit-il, avec son discret accent cockney. C’est très inspirant. Au fond, tu vois le mont Esja.” Culminant à neuf cent quatorze mètres d’altitude, à vingt-cinq kilomètres au nord de Reykjavík, la montagne est enneigée, comme les larges plaques de mer glacées et la plage qui la sépare de la demeure du leader de Blur. “Là, c’est mon piano, poursuit-il, désignant un instrument clair calé contre une fenêtre. C’est là qu’est né ce projet. Cela a commencé comme une méditation sur le paysage. Nous étions douze musiciens dans cette pièce et nous regardions à l’extérieur. Le morceau intitulé “Esja”, c’est littéralement l’interprétation musicale d’un paysage physique. On a joué les contours du massif.” Paru en 2014, le premier effort solo de l’antithèse de Liam Gallagher, “Everyday Robots”, était une œuvre urbaine, un zoom dépouillé sur l’errance d’un homme perdu dans la société technologique. Son successeur, “The Nearer The Fountain, More Pure The Stream Flows” est le disque de la reconnexion à la nature. “L’album utilise des éléments naturels comme métaphores et confidences, développe Albarn, après s’être étouffé avec un verre d’eau. Il est aussi traversé par une allégorie climatique: comment les choses ont été, ce qu’elles sont aujourd’hui et ce qu’elles peuvent devenir. Cet album, c’est une interrogation.” Un disque qui évoque des porte-conteneurs, des oiseaux emportés par le vent, et sample les sons de “TNTFTMPTSF” semble poser une questionclef: comment en est-on arrivé là? Le jour de l’entretien, Albarn est bloqué à Londres. Il ne sait pas comment rentrer chez lui, dans le Devon, comté du sud-ouest anglais aux eaux turquoise, villages de pêcheurs et stations balnéaires fatiguées. explique-t-il. Les yeux d’Albarn se plissent sous l’effet d’un rire pétri dans l’absurdité de la situation. Cela fait