UNE VISITE À L’HÔPITAL il y a une dizaine d’années, consécutive à une douleur à la poitrine, elle-même due à la caféine, n’a pas freiné la consommation effrénée de ce breuvage chez Dave Grohl, lui qui ne dort déjà pas beaucoup. À peine cinq heures par nuit. “Un putain d’insomniaque complet”, ponctue-t-il, chaque fois impatient que la journée commence, histoire d’avancer dans un nouveau projet qui l’excite: une série documentaire qu’il dirige, un album des Foo Fighters, un livre une tournée, parfois le tout en même temps. Avec le souvenir de sa professeure de mère corrigeant des copies la nuit avant de partir bosser. “J’ai même essayé de me remettre à fumer de l’herbe l’année dernière, pensant que ça m’aiderait à dormir, concède Grohl. Et je restais assis là jusqu’à 6 heures du matin à mater toutes sortes de conneries sur YouTube.”
Le sommeil a par ailleurs tendance, chez lui, à se traduire par des rêves entêtants. Depuis l’enfance, les plus récurrents, pas non plus forcément déplaisants ni les plus absurdes, “voient” des aliens l’emporter dans leur vaisseau spatial, ce qui lui a fourni la vraie raison de baptiser son groupe d’après un surnom donné aux ovnis lors de la Seconde Guerre mondiale ou de nommer son label Roswell Records. Une psychiatre lui dira un jour que ces enlèvements n’étaient pas du tout des rêves, ce qui peut paraître étrange. Peut-être s’essayait-elle à la métaphore d’un Grohl s’extirpant plus tard, concrètement, de l’orbite d’une vie ordinaire annoncée.
Grohl n’a ainsi que 18 ans quand il abandonne les études secondaires pour devenir le batteur de Scream, un groupe de hardcore de Washington DC, parfait prétexte pour dire au revoir à la banlieue de la capitale administrative américaine. Son père, James Harper Grohl, tout à la fois journaliste, rédacteur de discours, républicain conservateur, brillant joueur de flûte et qui s’est séparé d’avec la mère de Dave alors que celui-ci n’avait que 6 ans, réagira à ce choix en le reniant. Avant de s’afficher avec une nouvelle voiture, que Dave suspectera avoir été financée en détournant l’argent de la bourse d’études de sa progéniture qu’il n’avait soudain plus à payer.