G&H: N’est-il pas paradoxal d’étudier le projet européen des deux régimes les plus nationalistes et impérialistes du xxe siècle, l’Allemagne d’Hitler et l’Italie de Mussolini?
Pas si paradoxal en fait. Pensez à Napoléon: il a eu un projet européen tout en exaltant le nationalisme français. Les deux régimes de l’Axe ont beaucoup parlé d’Europe avant la guerre mais aussi pendant: il leur fallait bien penser à l’organisation de leurs conquêtes et aux rapports avec les pays vaincus. Et pas seulement dans un objectif de propagande. Quant aux raisons de faire ce livre, il y en a deux. D’une part, lorsque je travaillais aux archives diplomatiques allemandes, j’ai découvert un vaste ensemble de travaux issus d’une « commission Europe » des services de Ribbentrop, et qui a pris la forme d’une note intitulée « Confédération européenne » du 21 mars 1943 destinée à Hitler. La seconde raison tient aux activités de mon père, Jean-Marie Soutou, membre de la délégation de la France libre à Genève. Il était en contact avec des résistants allemands