Marignan et Pavie sont souvent résumées par deux clichés à la vie dure. La première bataille aurait démontré le succès de l’artillerie nouvelle face aux Suisses invincibles. La seconde, marquée par la capture de François Ier, aurait signé la fin d’une chevalerie conservatrice sous le feu des modernes arquebuses espagnoles. Il s’agit d’images d’Épinal, bien sûr. Si les guerres d’Italie ne se résument pas à des bouleversements tactiques ou techniques soudains, les historiens n’y voient pas moins un temps important de la révolution militaire engagée par les Européens entre les XVe et XVIIIe siècles. L’art de la guerre en Europe connaît indéniablement des mutations entre 1494 et 1559, sous la forme d’une série d’inflexions ponctuées de retours en arrière, tant sur le champ de bataille que dans les palais des princes.
Bien avant Pavie (1525), Cérignole en 1503 semble révéler l’obsolescence des gendarmes, cavaliers lourds portant le harnois de guerre complet sur des destriers: les compagnies françaises, attirées par une feinte des cavaliers espagnols, y tombent sur les retranchements adverses et se font massacrer par les arquebuses. En 1513 comme en 1522, à Novare et à La Bicoque, les gendarmes français se tiendront en retrait devant les combats d’infanterie qui décident du sort des deux journées. Tout porte à croire au crépuscule de la chevalerie – à tort.
De la tactique et du gendarme
En réalité, le modèle militaire traditionnel de l’ancienne chevalerie est déjà bousculé depuis plusieurs siècles – et il s’est adapté. En 1445, le cavalier lourd reste le pilier de la réforme qui met sur pied en France des compagnies d’ordonnance – soldées, permanentes et montées – formées de « lances ». La gendarmerie offre tout au long des guerres d’Italie un service recherché par tous les membres de la noblesse assez riches pour s’équiper.
Si la révision de l’organisation des compagnies par François I aboutit en 1534 à une baisse des effectifs, elle s’accompagne d’un renforcement du recrutement nobiliaire. En 1547, les 2400 lances (2400 hommes d’armes et 3600 archers) dont dispose Henri II ont quasiment tous du sang bleu. Cet attrait s’appuie sur une culture chevaleresque constitutive de la culture militaire: Blaise de Monluc, capitaine gascon vétéran des guerres d’Italie, reçoit ainsi comme un honneur le commandement d’une compagnie d’ordonnance au début des guerres de Religion. La France n’est pas une exception. Charles Quint fixe en 1547 à 3000 chevaux, dont 600 hommes d’armes, la composition des lances chargées d’assurer la défense des Pays-Bas espagnols. Le chiffre peut paraître faible, mais il peut être renforcé par de nouvelles levées en temps de guerre et confirme que la cavalerie lourde est loin de disparaître.