Affaire numéro 25
Morris Levy vs John Lennon
“NE REVIENS PLUS JAMAIS ICI, ou je n’aurai d’autre choix que de te faire du mal”, ça, c’est Levy. Morris Levy. Oui, Morris fucking Levy, le grand patron du label Roulette Records. Un dur de dur.
“Imagine all the people livin’ for today”, ça, c’est John Lennon. Les petites lunettes. La non-violence contenue. L’optimisme béat. The dreamer.
Ces deux-là se rencontrent par la voie judiciaire, la meilleure qui soit. Plus efficace que la voie postale. Au tribunal, les lettres finissent toujours par arriver. Les assignations, les plaintes, les citations à comparaître, au fond, ce ne sont que des lettres, mais revêtues d’une certaine autorité, des lettres magiques car elles ont le pouvoir de contraindre, de susciter un débat, à tout le moins de se rencontrer.
Lennon a” Quoi de plus vrai! Le 12 octobre 1973, le litige trouve une solution hors des tribunaux. Une des conditions de l’accord que Lennon reprenne trois chansons du catalogue de Levy sur son prochain album. Les planètes sont alignées: Lennon prépare avec Spector un album de reprises. Mais Spector est Spector, et cent sages ne peuvent comprendre un fou. Le projet échoue; en septembre 1974, John sort “Walls And Bridges” et oublie consciemment Levy. L’accord de 1973 est brisé. Levy requiert instamment une réunion. On ne rigole pas avec Levy. Sa réputation n’est plus à faire. On dit que La Pieuvre emploie près de neuf cents personnes via quatre-vingt-dix sociétés (sociétés de promotion de concert, labels, magasins de disques). Le Turc (comme il aimait qu’on l’appelle) a construit un empire. Avec des méthodes éprouvées. Dur en négociation. Amer comme le café. Pas fait pour tous les palais.