LA PHOTOD’ENFANCE IBEYI

Peut-être un peu plus. En tout cas, nous n’avons pas encore commencé l’école ce qui nous permet de vivre entre Paris et La Havane où nous avons, à l’époque, en dehors de chez nous, trois lieux, trois pôles… Lui était très drôle. On triait les grains de riz ensemble, pendant des heures. Et elle était prof de chorale, dans la toute petite église de Pinar del Río. On lui rapportait, de France, des bouteilles d’eau de rose. Et puis, il y avait les moments chez notre grande sœur. Notre mère est très famille et elle a toujours voulu que nous ayons un lien fort avec Yanira, qui nous porte dans ses bras sur cette photo, prise on ne sait par qui, et qui est la fille que notre père a eue avec une femme qui s’appelle Olga. Et donc, toutes jeunes, déjà, notre mère nous déposait chez Olga où nous passions des journées entières, dans un appartement tout en longueur, juste à parler, nous marrer, sur un lit dans l’une des chambres, devant un ventilateur qui faisait du bruit. Ou alors, Yanira et ses trois autres sœurs nous coiffaient, nous recoiffaient, nous habillaient, nous déshabillaient et nous maquillaient, avec le peu de maquillage qu’elles avaient. Nous étions leurs poupées! Et quand nous sortions avec Yanira, pour marcher ou acheter du pain, tout le monde s’arrêtait pour lui dire combien elle était belle… À Cuba, c’est normal, mais là, vraiment… Et elle adorait danser… Et elle était droite. Elle aimait bien faire. Et elle avait une espèce d’aura calme, comme ça, de douceur. C’est courageux, d’être doux… Yanira est partie aux États-Unis où elle a travaillé comme quatre pour faire venir tous les siens. Et lorsque nous l’avons vue pour la toute dernière fois? Elle était enceinte. De notre petite nièce. “Valé”, Valérie. » (*) Single (XL Recordings). Sortie de leur nouvel album au printemps 2022.