Rock and Folk

West Side Story

“Comment peut-on oser refaire ce chef-d’œuvre?”

D’un côté le classique absolu du cinéma musical des sixties. De l’autre, la plus grande légende du cinéma contemporain.

Comment résister à ça? Beaucoup de cinéphiles, pourtant, se sont offusqués du projet: Ou … A cela une première réponse: ce “West Side Story” n’est pas le remake du film aux dix Oscars de Robert Wise, mais une revisite nostalgique du musical créé à Broadway en 1957. Et puis Spielberg s’offre aussi (vu qu’il en a les droits et les moyens) un de ses grands chocs musicaux d’enfance lorsqu’il écouta en boucle, à l’âge de dix ans, la B.O. du musical avant, cinq ans plus tard, de découvrir le film de Robert Wise. Qui, curieusement, est absent de la liste de ses dix-neuf pellicules préférées comme “Lawrence D’Arabie”, “Les 400 Coups”, “Psychose”, “2001, L’Odyssée De L’Espace”, “Le Parrain” et, mais oui… “Intouchables” (là, il exagère). Et aussi “La Guerre Des Mondes” version 1953, le seul de sa liste qu’il se soit permis de refaire. Son re-“West Side Story” est aussi l’occasion de se frotter pour la première fois au genre musical. Et surtout, comme à son habitude, Spielberg nous offre encore un film . Sans effets numériques visibles (alors qu’il en est le vrai précurseur depuis “Jurassic Park”), et filmé à l’ancienne façon David Lean ou John Ford. Avec des plans composés et des couleurs pétantes proches du regretté Technicolor. Et sans l’ombre d’un montage hystériquement haché comme les films d’action brise-crâne de Michael Bay ou de n’importe quel Marvel antipoétique. Malgré le côté rebelle qu’ils partagent à travers leur animosité, leurs fringues post-James Dean, leur look rock et leurs tignasses gominées, on arrive donc toujours à faire la distinction entre les membres des Portoricains, les Sharks, et ceux des Italo-Irlando-Polonais, les Jets. Deux gangs rivaux qui s’affrontent en permanence dans les bas-fonds de l’Upper West Side du New York des années cinquante jusqu’à provoquer le drame… Spielberg, tout en gardant l’esprit vintage de la pièce et du film (costumes, décors, époque) modernise tout de même “West Side Story” en ne se limitant plus à une confrontation de territoires mais en donnant davantage d’importance aux tensions résultantes de l’immigration et du communautarisme. Comme un sacré reflet de l’air du temps. Les rixes et la love story impossible entre Maria, jeune Portoricaine dont le frangin sympa est affilié aux Sharks, et Tony, le plus cool et le plus romantique des Jets, se font à travers des séquences musicales d’une telle ampleur qu’elles en lavent nos iris. Si bien que le spectateur a constamment l’impression de s’envoler dans les airs au rythme des danses, des notes et, bien sûr, des mythiques chansons reprises de la pièce et du film original. De l’entraînant “America” au poétique “Tonight”, jusqu’au romantique “Maria”. Des chansons qui accompagnent tous les personnages, de l’espoir au drame, quand les conflits grandissants entre Jets et Sharks finissent par briser le coup de foudre amoureux entre Maria et Tony. On comprend que Spielberg, au lieu de s’attaquer au cinquième volet d’ “Indiana Jones”, a préféré rendre son hommage personnel à “West Side Story”. Lui qui, depuis quelques années déjà, tourne des films plus engagés comme “Pentagon Papers” sur l’implication douteuse des Etats-Unis dans la guerre du Vietnam, “Lincoln” sur les derniers mois du Président le moins trumpesque des Etats Unis, voire “Ready Player One” qui, sous couvert d’un pur pop-corn movie, dénonce les déviances totalitaires de la distraction de masse qu’il a pourtant contribué à créér. Avec “West Side Story”, Spielberg s’inquiète (les méfaits de la violence, du racisme et de l’entre-soi) tout en distrayant majestueusement (musique, chansons, danses) et en n’oubliant jamais que le cinéma peut — et surtout doit — rester un art (le septième, pour mémoire). Bien sûr, “West Side Story” est un des rares films de cette année à découvrir (au moins la première fois) absolument sur un grand écran. Avant qu’il ne soit gobé par Netflix, Disney, Apple ou Amazon…

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