Moto Revue

C’était l’Eicmasques!

lle n’est pas de première jeunesse, n’est accompagnée d’aucune hôtesse et s’expose dans une allée périphérique, sur l’un des plus petits stands de cet Eicma 2021. Et pourtant, cela fait une vingtaine de minutes que je l’ai dans mon champ de vision et elle n’est jamais esseulée. Il y a toujours quelqu’un pour lui tourner autour, admirer ses lignes, pourtant vues et revues depuis trois décennies. Le secret de cette banale Monster S2R passée gentiment à la moulinette café racer par un préparateur local? C’est une Ducati. Et en tant que telle, elle n’a pas beaucoup de concurrence sur ce Salon de Milan: à tout casser, une dizaine d’autres bolonaises, dispersées, comme elle,, quatre ou trois-cylindres (si l’on se fie à la bande-son de la présentation), délaissant le design Néo Sports Café des CB 650 et 1000 au profit d’un style manga, assez proche de celui sur lequel les concurrents japonais s’appuient actuellement. Chez Yamaha aussi, un concept bike a été dévoilé, mais dérivé d’une machine déjà commercialisée, la Ténéré 700 Raid Prototype, déclinaison haut de gamme du trail vedette de la marque. Pour le reste, le stand aux trois diapasons est plutôt sage. Très sage même, puisqu’avec ceux du groupe Piaggio, c’est le seul à tenter de suivre le protocole sanitaire édicté par les organisateurs. En l’occurrence, prise de température à chaque entrée sur le stand et port du masque pour tout le monde, y compris les hôtesses. Ailleurs, alors que visiteurs et exposants doivent rester rigoureusement masqués, celles-ci peuvent (doivent?) libérer leur sourire de toute entrave, comme si leur beauté était un rempart suffisant contre le virus. étrange impression d’avoir affaire à deux catégories d’individus: les hommes venus faire tourner le business, et les femmes reléguées au rang de simples ornements. Sur ce point, le Salon de Milan n’a pas changé. Vous me direz, on n’est plus à une contradiction près. Pas faux. Et ce n’est pas Suzuki qui vous donnera tort. Suzuki qui, en effet, a lancé un nouveau concept: le dévoilement de nouveautés qui n’en sont (vraiment) pas, mobilisant ses pilotes vedettes (Joan Mir pour le GP, Sylvain Guintoli pour l’endurance), convoquant la presse et donnant dans l’emphase pour, au final, ne lever le voile que sur… une Katana homologuée Euro 5 et deux GSX-S série spéciale magnifiées essentiellement par de beaux kits d’autocollants. Vous les voyez les étoiles dans nos yeux? Du côté de Triumph et Kawasaki, la vitrine est un peu plus garnie (agrémentée notamment, chez les Verts, d’une Versys 650 redessinée) mais ne nous mentons pas: chez les grands généralistes, cet Eicma sent le service minimal. Comme s’ils avaient d’autres choses en tête. Au hasard, les aléas du fret maritime et les pénuries de composants. Le genre de pépins à même de retarder la distribution des machines et de mettre de gros grains de sable dans les rouages du business. à Milan, la prudence a peut-être recommandé d’y aller mollo cette année sur le dévoilement des nouveautés. Mais si les habituelles têtes d’affiche sont restées en retrait, les outsiders n’ont pas manqué, eux, de prendre la lumière. Moto Guzzi, avec sa V100 Mandello (l’une des rares motos reposant sur une base technique complètement inédite). Bimota qui a levé le voile sur deux modèles, dont l’étonnant (et très clivant) café racer KB4 RC. CFMOTO qui a présenté cinq nouveautés et un concept de sportive de grosse cylindrée (annonciateur, paraît-il, d’une machine de série). Benelli, qui non content de lancer plusieurs nouveautés, monte en gamme avec son trail TRK 800. Brixton, qui avec sa 1 200 cm, entend carrément concurrencer Triumph et sa Bonneville T120. Voge (autre chinois), dont le roadster 500 AC a dans son viseur la Honda CB 500. Royal Enfield – outsider seulement en Occident – qui a laissé entrevoir son prochain modèle: un cruiser emmené par le twin 650 de la Continental GT. Et le plus surprenant de tous, Cagiva qui annonce son retour avec deux concepts de trails inspirés des lointaines Elefant: une 550 et une 950 cm. Enfin, Cagiva, c’est vite dit: si la filiation de ces modèles est certaine, leur blason ne l’est pas encore. Le propriétaire de Cagiva (le Russe Timur Sardarov) n’est pas sûr que le nom soit encore très porteur (ni flatteur). Pour l’instant, les machines ont hérité d’un logo et d’un nom – Lucky Explorer – qui parodie celui d’une fameuse marque de clopes, autrefois sponsor des Elefant engagées sur le Dakar. L’idée est, disons… fumeuse, mais les motos ont de la gueule. Comme souvent chez MV Agusta, cela dit. Car oui, ces Cagiva-Lucky Explorer sont une émanation de MV Agusta. MV qui, selon une habitude prise depuis les débuts de sa période russe, tire tous azimuts. Pas forcément juste, mais toujours avec panache. En plus de ces trails siglés d’une cible rouge et de ses habituelles motos haut de gamme (dont une Super Veloce Ago à tomber…), la marque de Varèse a ainsi exposé sur son stand une palanquée de vélos à assistance électrique et de trottinettes, branchées, elles aussi, sur batteries lithium. Mais attention, pas de la trottinette de base. De la trottinette MV: rouge, design, en alliage léger (magnésium) et évidemment, pas donnée. Pas sûr que le petit constructeur italien fasse beaucoup de beurre avec ça, mais au moins a-t-il le mérite d’essayer. Curieusement, c’est l’un des rares constructeurs historiques à en montrer sur son stand. Pour le reste, à l’exception de Piaggio, tous les deuxroues électriques (concept ou machine de série, moto, scooter, vélo ou trottinette) sont ici à mettre au crédit de jeunes marques spécialisées, pour la plupart, dans la mobilité urbaine. Une dernière chose: alors que jusqu’à présent, Milan dédiait un hall à la mobilité «verte» (guillemets de rigueur), cette année, les modèles électriques ont été dispersés indistinctement dans tout le salon. Signe que ces engins sont en voie de banalisation ou qu’affichant, pour une majorité d’entre eux des prétentions modestes, ils ne justifient plus, pour l’instant, qu’on les présente comme l’horizon inéluctable de l’industrie moto.

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