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TÊTE DE SÉRIE

Quand, un matin de juin, Jesse Armstrong arrive à l’aéroport de Florence transformé en plateau de tournage, le créateur et scénariste de Succession doit prendre une décision pour le moins extravagante. Deux avions sont posés sur le tarmac : un Boeing 737, loué plusieurs centaines de milliers d’euros, et un jet Falcon. Les rails du travelling sont en place, il fait déjà presque 30 °C et l’équipe de plus de 200 personnes s’active sur la piste, en sueur et en gilets de sécurité.

Toute la scène repose sur un effet de surprise : à la fin de l’épisode précédent, le lunatique patriarche Logan Roy visionnait une conférence de presse donnée par l’un de ses quatre ambitieux rejetons, Kendall, qu’il avait envoyé à New York pour endosser la responsabilité d’un scandale financier. Mais le fils refuse de porter le chapeau, déclare que son père était au courant des malversations et qu’il a personnellement fait en sorte d’étouffer l’affaire. Au début de la nouvelle saison, Logan prépare donc sa contre-attaque, entouré du reste de sa famille et de ses derniers fidèles. Il se demande s’il n’aurait pas intérêt à répartir ses troupes sur deux continents : une partie à New York ; lui et sa garde rapprochée en Europe. « C’est un instant d’indécision, me crie Jesse Armstrong pour couvrir le bourdonnement des réacteurs. La scène doit illustrer le moment où, pour la première fois, on sent que Logan est inquiet. » Mais que faire avec ces deux avions garés côte à côte sur la piste ? « À tous les coups, poursuit le showrunner, les spectateurs vont se dire: “Mais qu’est-ce qu’il fait là ce petit jet, ils ne peuvent pas tous tenir dans le Boeing ?” » Montrer les deux appareils dans le même plan gâcherait l’effet de surprise...

Ne pas savoir si l’on a besoin d’un ou de deux avions, voici un problème très Succession, la série qui raconte avec brio et acidité les jeux de pouvoir au sein d’une dynastie dans l’univers des médias américains. L’une des plus grandes qualités de cette fiction repose sur la représentation ultra-fidèle du mode de vie de super riches totalement déconnectés de la réalité. Succession documente leur quotidien avec une exactitude inégalée, mais sans le glorifier pour autant. L’opulence est ici présentée comme une sorte de maladie et les scénaristes prennent un malin plaisir à montrer que les mieux lotis n’échappent pas toujours aux tracas de la vie quotidienne.

Mark Mylod, qui a réalisé près de la moitié des épisodes, m’a

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