Rock and Folk

The Felice Brothers

YEP ROC

Il faut savoir démarrer fort, très fort, mais s’assurer que l’herbe repousse derrière. Balancer un premier titre bélier, propre à enfoncer les défenses de l’auditeur, tout en annonçant fièrement que ça n’était qu’un début, et surtout pas une fin en soi. Les Felice Brothers ont sorti assez de disques (on en compte au moins sept sur, des stoniens (voire stoned), le tout balancé avec des sourires en coin et une lueur espiègle dans le regard. Oui, ça fait beaucoup, mais on en veut encore. Passer la seconde, “To-Do List”, c’est passer en mode croisière, avec la voix de Ian Felice entre Bob Dylan moqueur et prêcheur distrait, qui énumère les “trucs à faire” et les bonnes résolutions (aussi bien “se dresser pour la liberté” que “penser à acheter des asperges”). Le coup de génie — très sérieusement dylanesque celui-là — est de toujours se débrouiller pour avoir l’air intelligent, même quand on raconte n’importe quoi ou simplement ce qui passe par la tête, une spécialité Felice depuis leurs débuts, leurs chansons western, leurs chansons sur des boxeurs, des bagnoles, des poulets (la volaille, pas les flics), sur les maisons qu’on doit se résoudre à vendre et sur les filles qu’on doit se résoudre à oublier. Formant la moitié ruminative du disque, les ballades philosophes — aux deux sens de sages et fatalistes — sonnent insomniaques comme du jeune Tom Waits, solennelles comme des cloches d’église au petit matin, mais maintiennent miraculeusement l’équilibre entre niveau d’intensité et de rigolade. On y fait rimer Saint François d’Assise et AC/DC (en anglais ça marche très bien), on y cite Jean-Claude Van Damme, John Wayne, “Fight Club”, “Karaté Kid” ou autres, péché mignon qui vient sans doute du style parler-chanter-rien à foutre privilégié tout du long par le frontman, entre deux refrains grandioses, hantés, bourrés, incroyablement irrésistibles. Originaires des Catskills (un bout d’Appalaches situé au nord de l’Etat de New York, à trois heures de route de Manhattan), les frères Ian et James Felice sont tombés dans la marmite americana quand ils étaient petits, élevés au culte de Levon Helm, de Ronnie Lane et d’un certain héroïsme bohème bien arrosé, où rien n’est fait semblant mais où tout est bon à prendre, les cuites mémorables, les refrains en choeur, tous les raccourcis possibles vers le coeur des choses et puis son temps, aussi, pour devenir un vrai grand groupe, ce qui ne se fait ni en un jour, ni en un disque. Au huitième, en revanche, plus de débat. Fondée sur un fantasme Band il y a quinze ans, la fratrie Felice transcende ici la part réac’ de la proposition et plante son drapeau au beau milieu de l’Amérique poulet sans tête du moment, avant de baisser les braguettes pour pisser joyeusement dessus.

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