JOAILLERIE SANS INTERDIT
«La première séance photo que j’ai faite avec Helmut Newton, il m’a regardée des pieds à la tête et m’a dit: “Madame, vous avez l’air d’une grande bourgeoise qui n’a pas fait l’amour depuis longtemps.” Je lui ai répondu: “Monsieur, vous avez raison sur la première partie de votre phrase, tort sur la seconde.”» À partir de là, Franceline Prat, ancienne femme d’industriel qui s’ennuyait dans sa tour d’ivoire niçoise, et le photographe berlinois devinrent les meilleurs amis du monde. Ils pendant plus de trente ans. Les hommes leur en faisaient cadeau, voilà tout. Personne, à l’exception sans doute de Mouna Ayoub – qu’on a shootée avec une partie de sa collection personnelle – n’avait les moyens d’avoir des rivières de diamants, des émeraudes de la taille d’oeufs de caille, des parures croulant sous le poids des saphirs et rubis… J’aimais beaucoup les bijoux, cela me plaisait de les accumuler sur les mannequins. Pour qu’on les voie à l’image, il fallait aussi qu’ils soient très gros. Dans les photos d’Helmut, ils prenaient alors une espèce de présence incroyable.» En témoigne la série «Le Temps des joyaux», parue en 1979 dans le magazine, où Helmut Newton brosse un portrait troublant de femmes lascives arborant des colliers somptueux. Des rivières de diamants susurrant à leurs récipiendaires «Ne m’oubliez pas» et offertes par des hommes qui apparaissent dans l’objectif du photographe réduits au rang de factotums, mi-amants, mi-caméristes. Dans le même temps, les bijoux renforcent le pouvoir que les femmes sont en train de s’approprier au cours des golden eighties. De parure, ils se muent en sulfureuse armure contre les stéréotypes. Sur la plage du Carlton à Cannes, un mannequin ouvre son vison pour exhiber son sautoir en diamants sous le regard d’une femme de tête ombrée d’une voilette. Ailleurs, un plastron étincelant est porté topless par une blonde sur un Riva, avec en toile de fond un bimbo en biscotos. Il y a encore le fameux cliché de ces mains puissamment bijoutées en train de désarticuler un poulet avec une violence rare, ou cet autre d’un mannequin aux aisselles poilues arborant un parfait ras-de-cou pavé de diamants jaunes et blancs…
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