Le piano pour la vie
Paris, novembre 1793.
Il faisait sombre comme la mort dans cette cellule de la Conciergerie où s’était retrouvée Hélène de Montgeroult après son arrestation. Une paillasse, une chaise, une table et une bougie ; le silence, ponctué des grossièretés des geôliers, des fracas d’armes et de clés ; la solitude…
Elle n’imaginait pas que les premiers jours si exaltants de la Révolution allaient tourner à la tragédie, à la chasse aux suspects, à la folie meurtrière de quelques enragés.
Elle pouvait à présent compter sur ses amis musiciens, et surtout sur l’amour de Charles.
L’année précédente, les premiers vents mauvais avaient fait fuir momentanément M. et Mme de Montgeroult à Londres, comme bien d’autres, après avoir vendu leur château du Vexin. La peur de perdre toute leur fortune, s’ils étaient considérés comme émigrés, les avait ramenés quelques mois plus tard à Paris. Pendant l’été 1793, leur ami Maret les avait entraînés à sa suite en Italie où il allait prendre ses fonctions d’ambassadeur à Naples. Mais le voyage avait été tragiquement interrompu par l’armée autrichienne à Novate Mezzola, alors qu’ils traversaient les vallées alpines. Quelle inconscience…
En pleine guerre, toute présence française était suspecte en Europe, même si la délégation en question avait le secret projet, sous couvert d’ambassade, de permettre la libération de la reine Marie-Antoinette.
Les hommes furent emprisonnés, M. de Montgeroult mourut peu de semaines plus tard à la prison de Mantoue, leurs familles dépouillées, laissées à l’abandon. Hélène n’avait dû son salut qu’à quelques amitiés en Italie et en Allemagne. Elle avait fini par revenir en France. Et retrouver Charles. Charles His, qui avait travaillé avec l’ami Maret au , habitait rue des Petits-Champs. Parmi ses nombreux admirateurs, il était celui à qui elle pouvait accorder sa confiance. Elle avait retrouvé un semblant de sérénité dans ses bras, et d’assurance en l’avenir grâce à ses amis de l’Institut national de musique. Elle avait
