Le marketing de l’étoile jaune
n tee-shirt avec une étoile jaune pour se revendiquer “non vacciné” vendu sur Amazon », avait récemment repéré un internaute américain (avant que la plateforme ne retire le produit) : difficile de mieux condenser l’esprit de notre temps. Un savant mélange de complotisme, d’opportunisme mémoriel et de cynisme mercantile dont nous n’avons pas fini d’épuiser la recette. C’est à se demander ce qui est le plus gênant : la bêtise de l’analogie ou bien sa récurrence éculée à pour mieux se rêver aux portes de la chambre à gaz. Le tropisme proverbial du point Godwin suffit-il pour autant à expliquer un tel engouement macabre ? Pas vraiment. Car ce n’est pas la seule fascination du pire qui meut ce disque rayé, mais bien un besoin maladif d’attirer l’attention par tous les moyens. Tel est le paradoxe de ces détournements : ils relativisent l’horreur du crime nazi tout en s’y référant comme à l’étalon du mal absolu. Ils disent dans un même souffle « Regardez-nous ! Les juifs n’ont pas le monopole du supplice, cessons de faire de leur calvaire un incontournable ! » et « Notre malheur est si grand que la seule référence à même d’en traduire l’ampleur est la Shoah. » Virtuoses de la mauvaise foi, ils jonglent sans broncher avec l’hyperbole et l’euphémisme, sans se formaliser de la contradiction. Le mobile opportuniste est puissant, mais il n’est pas le seul à la manoeuvre. Car, à côté de ceux qui surfent sans vergogne sur une tragédie historique pour se donner de la visibilité, il y a les entrepreneurs de la concurrence victimaire qui filent la comparaison avec le génocide des juifs comme on ramène la couverture à soi. Qu’il s’agisse des fans de Dieudonné, qui pourfendent la « religion de la Shoah » en accusant les juifs de brandir leurs plaies pour se rendre intouchables, ou des militants antiracistes qui, à l’image de l’Union juive française pour la paix, prétendent lutter contre l’antisémitisme tout en se souciant avant tout de ses instrumentalisations et en affirmant que « les principales victimes des discriminations et agressions racistes aujourd’hui ne sont plus les juifs », le soupçon d’un « privilège juif » fait son bout de chemin.
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