Grazia France

Dans le tourbillon DES ARTS

ans le cercle fermé des lieux culturels financés par le secteur privé, la rotonde de la Bourse de Commerce, investie par François Pinault, dont on attend l’ouverture avec de plus en plus d’impatience, occupe une place centrale. Bâtiment rond surmonté d’une exceptionnelle verrière, le voilà mué en arène des arts, en temple circulaire — et plutôt deux fois qu’une — puisque l’architecte star Tadao Ando y a glissé, en écho au bâtiment lui-même, un cercle de béton, telle une pelure d’oignon supplémentaire. Cette muraille close sur elle-même mais percée de de Norman Jewison (1965) ou de de John Huston (1967) se voit épuré, offert dans une symbolique. Du cercle suinte le hasard comme d’un tableau ou d’une sculpture, ces matrices émotionnelles. Jean-Pierre Melville, avec l’avait bien compris, de même que Gustav Klimt dont le tableau voit chaque feuille s’enrouler pour mieux créer des mondes. Le parcours du visiteur entre dans , celle d’Arthur Schnitzler adaptée au cinéma par Max Ophüls en 1950, puis ravivée par l’Iranien Jafar Panahi dans son beau film tout simplement intitulé (2000). D’ailleurs, en persan, faire partie de l’élite se dit « entrer dans le cercle ». Retour à la case départ donc pour les visiteurs mués en VIP, enivrés à l’idée de faire partie d’un club où les personnalités se parrainent l’une l’autre. Le choix de François Pinault d’investir cette ancienne Halle au Blé reconvertie en Bourse de Commerce est génial, car il touche à l’universel. En effet, depuis Platon, le cercle symbolise à la fois l’unité, la complétude et l’illumination. Forme géométrique, elle est présente dans la nature et toutes les civilisations. Elle inonde de ses multiples expressions les mandalas tibétains, les calendriers aztèques, l’enchevêtrement du yin et du yang, et elle fait résonner les gongs et les tambours. Un simple bol renversé est sublimé au rang de dôme. Bref, du Panthéon de Rome à la Géode du parc de la Villette en passant par les igloos, le cercle n’en finit pas d’étreindre l’humanité. Et ce n’est pas tout. L’habilité des architectes à l’oeuvre dans cette renaissance de la Bourse de Commerce (en sus de Tadao Ando, il faut citer Pierre-Antoine Gatier, architecte en chef des monuments historiques et les jeunes Français Lucie Niney et Thibault Marca) se lit encore dans le soin qu’ils ont apporté à la lumière. Ruisselant depuis l’oculus de la verrière, elle pénètre aussi par de larges baies vitrées dans les salles d’exposition. Cette dynamique de l’intérieur/extérieur voue au cercle, par essence concentré sur lui-même, ramassé, obnubilé en quelque sorte par son nombril, de s’ouvrir aux espaces qui l’enserrent. D’autocentré, il se révèle vigie, phare. Le cercle centrifuge devient centripète et les visiteurs concentrés se voient emportés par la somptuosité poétique d’un Paris dont les nuances de gris ravissent. Le cercle s’élargit à l’horizon. Depuis 2008, l’association Réseau 360 unifie de par le monde les scènes de spectacles aux architectures rondes. Les scènes nationales de Reims et de Châlons-en-Champagne (Théâtre de La Comète) se sont associées à la Roundhouse de Londres, au Teatro Circo Price de Madrid, aux Rotondes du Luxembourg… La Bourse de Commerce pourrait en faire partie car c’est un théâtre où le public peut circuler, changer de point de vue, entrer, sortir. Il y a du nomadisme dans cet élément patrimonial en forme d’alliance, de la commedia dell’arte, de la vie. Ainsi, dans cet édifice aux formes calmes et posées, il n’est pas interdit d’imaginer que victime du tournis, l’équilibre des visiteurs ira se fissurant et que l’ivresse de l’art mêlée à celle de l’architecture puisse aboutir à une extase. Ce qu’architectes et commanditaires ne condamneraient pas, estomaqués peut-être par la divine surprise d’avoir su édifier, au coeur même de la capitale, un centre extraverti… Là où la roue tourne, la tête tourne autant.

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