LE VOL DES SIGNES
—Choisir Scarlett Johansson pour interpréter l’héroïne du manga Ghost in the Shell, danser frénétiquement le twerk comme aiment à le faire Taylor Swift ou Miley Cyrus, piller le blues comme les Stones, baptiser une ligne de vêtement gainants Kimono comme Kim Kardashian, détourner l’expression Hakuna Matata (« pas de souci », en swahili), propriété de Disney pour Le Roi Lion, tous ces exemples ont, à un moment donné ou un autre, traversé l’espace saturé de la conversation pop sur les réseaux sociaux et dans les médias, cristallisant un agacement crescendo face à des pillages culturels, des prédations de codes en toute décontraction, des détournements de signes et oripeaux sans vergogne mais avec un sens ajusté du marketing et de sa rentabilité mainstream. La sensibilité contemporaine n’entend plus rien laisser passer sous prétexte de « cool » et d’ignorance. C’est la synthèse de la surconscience des micro–agressions et du racisme banalisé ou glamourisé qui fait des étincelles. Du métissage au pillage, la frontière mérite d’être sinon tracée, du moins repolitisée, discutée.
Défaisant les défilés de mode et traversant la culture entière depuis les années 2010, le concept est établi dans les universités américaines dans les années 1980. Il naît de travaux sur le « colonialisme culturel », sur la question des musées occidentaux acquérant et exposant des artefacts africains et asiatiques. L’appropriation culturelle désigne le vol d’une culture, de son esthétique, par une autre et dans un rapport de domination. En clair, c’est du racisme, plus subtil, insidieux. La cinéaste Lexi Alexander pointait que le gros morceau de science–fiction de Denis Villeneuve, était(2019) de Guy Ritchie, qui confie le rôle de Jasmine à Naomi Scott, d’origine anglo–indienne.
