Diapason

Bergkristall

Hélène Berg a eu mille fois raison de l’autoriser à porter le nom de son défunt mari. Fondé en 1970, s’arrêtant en pleine gloire en 2008, le Alban Berg Quartett, premier quatuor viennois à temps plein, acquiert dès ses débuts une précision d’archet qui ne vient qu’aux formations de grande maturité, après des : couleurs aussi translucides que contrastées, climat à la fois solaire et dépouillé, lumière irradiante d’un cristal de roche (). Suivront une intégrale Brahms d’une incandescente beauté et dix grands quatuors de Mozart apportant un souffle neuf. Personne n’en retrouvera l’intense clarté, pas même les Berg dans une seconde version trop opulente. Passés dans le giron d’Emi en 1978, ils entament une intégrale Beethoven achevée en 1983 : cinglante de vérité, elle est exemplaire d’acuité rythmique, dynamique et structurelle. Dans de splendides « », , , , la luminosité, la distribution de l’énergie sur de longues périodes, la trame mélodique continue inventées par les Berg tournent plus d’une fois le dos aux options (phrasé, rubato) de leurs meilleurs prédécesseurs (Budapest I, Juilliard I, Italiano). Leur passionnant en 1989 ( présenté ici en CD et en DVD), n’en égalera pas tout à fait la transparence. Edité avec soin – bons reports, pochettes d’origine, texte érudit de Jean-Michel Molkhou –, ce riche coffret de 62 CD ne compte que de rarissimes et relatives déceptions (Debussy, Ravel, Janacek) en regard de très nombreuses réussites : citons seulement les et de Haydn, le   de Mozart avec Alfred Brendel, les derniers quatuors de Schubert et – modèle d’intégrité et de profondeur – son avec Heinrich Schiff. S’y ajoutent les et de Brahms avec le piano d’Elisabeth Leonskaja et la clarinette de Sabine Meyer, sans oublier de nouvelles intégrales Berg et Brahms, plus creusées, une intégrale Bartok dont l’extrême virtuosité et les vertus expressives sont à redécouvrir. Parmi les œuvres contemporaines, retenons une vision dense de l’unique de Lutoslawski et d’inspirés de Rihm et de Berio, œuvres dont ils furent les créateurs. La leçon de ce vertigineux parcours n’est pas perdue. Pédagogues, les Berg ont formé d’excellents musiciens : les Quatuors Artemis, Belcea, Casals, sans doute les plus grands d’aujourd’hui, sont leurs élèves.

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