Je ne fais plus l’amour
« J'ai beau être en carence affective, sentimentale, sexuelle ; j'en ai marre d'être celle qui attend : qu'on la remarque, l'aime, la respecte, ou juste qu'on la traite bien. Je suis empathique, je me préoccupe des sentiments et empêchements des autres, j'en ai assez de ne voir jamais personne se préoccuper de ce que je ressens moi. S'intéresser à mes propres fragilités. Assez de m'adapter sans cesse et que ce ne soit pas réciproque. Je suis cassée. Je n'ai plus rien à donner. Je décide de me retirer du jeu pour éviter de devenir misandre. Le sexe, l'amour, les relations… ça réarrivera quand ça devra. » Ce cri du cœur mais aussi du corps est lancé par Emmanuelle Richard dans son livre Après une rupture douloureuse, l'autrice n'a plus de rapport sexuel pendant cinq ans etapporte une vision inédite et révèle quelque chose de fort sur notre société, où l'injonction à la sexualité est présente partout. Emmanuelle Richard le confirme dès les premières lignes : « Ne pas ou moins participer revient à être tout de suite perçu comme un perdant de la dictature du jouir, un relégué du capitalisme de la séduction. C'est basculer du côté de la honte et d'une prétendue anormalité. » Le sexologue Gérard Ribes abonde dans ce sens : « La sexualité est devenue une obligation absolue. On vit avec cette idée très présente que pour être épanoui, il faut faire l'amour. Si ce n'est pas le cas, ça paraît anormal. Pourtant, on peut être dans une période de notre vie où on n'a pas d'envie. Et il n'y a absolument rien d'insolite à ça. » Le sexologue nous rappelle également que l'abstinence n'a rien à voir avec l'asexualité. Deux notions foncièrement différentes à ne pas confondre : « Les personnes asexuelles n'ont pas d'attirance ou d'envie sexuelle, et sont tranquilles avec ça. L'abstinence parle plus de volontariat. À cause d'une période particulière de l'existence, on désinvestit la sexualité. C'est un acte de force personnelle où l'on parvient à dépasser ses pulsions. » Mais c'est quoi l'abstinence ? Comment la définir ? Pour Fabienne Kraemer, psychanalyste, il s'agit de « ne pas faire l'amour avec quelqu'un », mais « on peut tout à fait se masturber ». Pour Gérard Ribes c'est « quand il n'y a plus rien, ni masturbation ni relation sexuelle avec autrui ». Pour l'autrice Emmanuelle Richard, il existe autant de définitions que de personnes et d'expériences. Sur un point, tout le monde s'accorde : l'abstinence n'est pas forcément liée à un manque, elle peut être choisie et vécue comme un moment nécessaire, voire une libération.
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