Les voix de Robert Halford sont-elles impénétrables?
Affaire N°7: James Vance et Ray Belknap contre Judas Priest et CBS
A SPARKS, COMTE DE WASHOE, les journées sont longues. Parfois, le temps ne passe pas, les jeunes âmes de la ville trop occupées à le tuer, faire mourir les secondes lentement, à contre-temps des d’une musique qui est ontologiquement la leur, bruyante, sauvage et désolée: le heavy metal. Le Nevada avait toujours été un endroit bizarre. Les générations couvertes de neige et de mal-être s’y succédaient. Là-bas, les paroles désabusées des chanteurs de hard rock avaient trouvé des oreilles. Soutenus par une rythmique proche de la musique classique, les décibels hurlaient des hymnes, parfois des ordres. A quelques miles de là, à Reno, les jeunes ne souffraient pas d’exostose. et avocats au barreau de Reno, convainquent les familles Vance et Belknap d’ester en justice contre les Judas Priest et leur maison de disque CBS, au motif que la musique du groupe a conduit James et Ray à commettre l’irréparable. Les avocats considèrent que des messages subliminaux se cachent dans les titres du groupe, tout particulièrement au sein d’une chanson issue de l’album “Stained Class”, “Better By You, Better Than Me”, au demeurant morceau du groupe Spooky Tooth. La scène judiciaire est plantée: les avocats des familles des victimes doivent prouver que le message se cache dans la chanson incriminée et, surtout, que ledit message est l’unique et seule cause du suicide de James et Ray. Le prix de leur douleur est élevé: 6,2 millions de dollars. Les Judas Priest sont fort ennuyés. Entre deux chemins, l’Anglais choisit toujours la voie sans issue. Ils commencent par se défiler. Par requête, ils contestent la compétence des tribunaux du Nevada. Le juge américain ne peut que se trouver légitime à mener à bien le futur procès, les Judas Priest ont assurément signé un contrat avec CBS pour distribuer leur musique outre-Atlantique, ils ont donné concert dans l’État enneigé; dès lors, ils disposent d’un lien suffisant avec la ville de Reno pour que justice soit faite. Les Judas seront présents, en chair et en os. . On ne sépare pas l’art de l’artiste; les Anglais sont toujours inféodés aux Etats-Unis. Aussi, et avant tout procès, le juge Whitehead doit trancher une épineuse question: des paroles subliminales (si tant est qu’elles soient et subliminales, et discernables) sont-elles protégées par l’existence du premier amendement à la constitution US qui garantit notamment la liberté de pensée? Le juge répond par la négative et son jugement fera jurisprudence. L’année suivante, il sera confirmé dans une décision rendue à l’avantage d’Ozzy Osbourne, accusé d’avoir incité le jeune Michael Jaffrey à se suicider au travers des paroles du titre “Suicide Solution”. Bien que relaxant Osbourne, un autre juge, Fitzpatrick, rappellera en passant qu’un message subliminal peut coucher dans un autre lit que celui du premier amendement.
