Rock and Folk

BLACK MERDA

Une référence aux crimes racistes de l’époque

VENU DE L’OMBRAGEUSE DETROIT, Black Merda était un gang précurseur, fervent défenseur de la cause afro-américaine sous couvert d’hymnes funk, hendrixiens en diable. Une approche radicale qui ne l’a pas aidé à l’époque, malgré deux passionnants opus.

Originaire de l’Etat du Mississippi, la famille de VC Lamont Veasey monte a Detroit alors qu’il est encore gosse. Comme pour tant d’autres, l’Epiphanie se produit a la vue d’Elvis Presley se, pense-t-il immediatement. Un an plus tard, il met la main sur “Are You Experienced” en chinant dans les bacs d’une echoppe texane. Reconnaissant le flamboyant escogriffe, il decide d’acquerir la chose, pour s’octroyer une bonne tranche de rigolade. Nos gonzes posent la galette sur la platine, allument un joint et… c’est le choc, immense: “Foxy Lady”. VC ne se moque plus. Les Soul Agents decident alors de tout changer: approche musicale desormais funk et psychedelique, textes urbains et engages, coupes afro, fringues chamarrees, et nouveau patronyme. Charles Hawkins, frangin d’Anthony, rejoint le groupe et souffle Murder Incorporated, mais VC opte finalement pour Black Murder, puis Black Merda, en argot. Une reference aux crimes racistes de l’epoque, perpetres par le Ku Klux Klan. Les Black Merda tournent avec Edwin Starr et les Temptations. Eddie Kendricks tente de les pistonner et leur presente Ellington “Fugi” Jordan (qui a coecrit “I’d Rather Go Blind” pour Etta James), et avec qui ils gravent un single (l’hypnotique “Mary, Don’t Take Me On No Bad Trip”), puis un extraordinaire album, syncope et flamboyant, finalement publie en 1997 par Funky Delicacies. Par son entremise, ils rencontrent Marshall Chess, puis signent avec la prestigieuse maison de Chicago. La presse classe alors Black Merda comme figure de proue du mouvement “black rock”, aux cotes de Funkadelic et des Bar-Kays. Ils s’attellent a leur premier opus, publie en 1970 chez Chess, et dont le son s’avere quelque peu caverneux. Des “Prophet”, Black Merda confirme sa parente avec l’oeuvre de Jimi Hendrix: voix nonchalante, guitares cinglantes au groove implacable, rythmique ultradeliee. Le gang y ajoute un discours social, antiraciste, que l’on retrouve aussi sur le manifeste “Ashamed”, l’un des moments forts de l’album. L’emblematique “Cynthy-Ruth” possede un refrain entetant, tandis que “Think Of Me” est une delicieuse parenthese folk. “Reality”, enfin, est un R&B tout aussi aerien que grincant. Cet excellent disque ne s’ecoule pas, mine par une promotion insuffisante et une aura de soufre. Black Merda se contente du circuit des salles reservees aux Afro-Americains, mais passe tout de meme par la fameuse Grande Ballroom. Les quatre rockers decampent pour Los Angeles afin d’y retrouver Fugi, Eric Burdon et War. Effares par les addictions galopantes de leur ex-bienfaiteur, ils repartent pour la Motor City, mais sans Tyrone Hite, demissionnaire. Le trio restant usine alors un second album, avec l’experimente Gene Barge comme producteur, qui amene Rob Crowder aux futs. Le premier offre une captation cristalline et des arrangements chics, le second sa frappe rigoureuse, metronomique. “Long Burn The Fire” est publie sur Janus (qui a fusionne avec Chess apres leur vente a GRT) en 1972, sous l’etiquette Mer-da, moins subversive. De meme que l’inaugurale “For You”, ballade sirupeuse aux violons grandiloquents et aux choeurs soul. L’acerbe “The Folks From Mother’s Mixer” renoue ensuite avec le style du precedent effort, tout comme l’edifiante “Sometimes I Wish” . Il s’agit de deux des sommets du disque, avec la protest song blues “Lying” et “I Got A Woman”, illuminee par un etincelant solo d’Hopkins. Malgre sa qualite, “Long Burn The Fire” n’est pas davantage pousse. Hawkins et VC jettent l’eponge et se consacrent a leur carriere en studio. Une reformation aura finalement lieu en 2005, suite a laquelle la reconnaissance finit par arriver: Ja Rule et Kanye West samplent respectivement “Lying” et “Cynthy-Ruth”.

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