Son entente avec le batteur fou de Cream
Vivant à Courbevoie depuis plusieurs années, le batteur nigérian TONY ALLEN est décédé le 30 avril 2020 à Paris, suite à un anévrisme de l’aorte. Considéré comme la force motrice de l’afrobeat, il fut le batteur et le directeur musical de 1968 à 1979 de Fela Kuti et d’Africa 70.
Né le 12 août 1940 à Lagos, Nigeria, alterne d’abord les concerts avec un travail pour une radio durant la journée. Musicalement, il est influencé par le jùjù qu’affectionnait son père dans les années quarante, une musique populaire des Yorubas du Nigeria marquée par l’emploi de tambours tamas, les a monté une formation de jazz et de highlife, Koola Lobitos. De retour au Nigeria, après un 45 tours jazz, Fela Ramson (nom qu’il remplacera par Anikulapo) Kuti invite Tony Allen à rejoindre en 1964 une nouvelle mouture des Koola Lobitos dont on peut découvrir les productions dans un coffret de trois CD, “Highlife-Jazz And Afro Soul (1963-1969)” (2005 puis 2016). C’est en 1967, au Ghana, que Fela décide de nommer le style musical de son groupe, afrobeat. Deux ans plus tard, l’orchestre tente sa chance aux Etats-Unis, se produisant surtout à Los Angeles, “The’69 Los Angeles Sessions”. A cette occasion, la rencontre de Fela avec une militante des Black Panthers et du Black Power va profondément orienter son approche de la musique et de la politique vers le panafricanisme, les droits de l’Homme et le socialisme. A Lagos, chantant en pidgin local pour être compris par le plus grand nombre, il rebaptise son orchestre Africa 70 et multiplie les attaques frontales contre les gouvernements militaires corrompus du Nigeria. Un des éléments essentiels de l’Afrobeat est la puissance rythmique dégagée par la batterie de Tony Allen alliant le groove du jazz et de la soul, le beat répétitif du funk et la polyrythmie des tambours yorubas. Sur le “Live!” de 1971 enregistré à Abbey Road, son entente avec le batteur fou de Cream, Ginger Baker, est impressionnante. Un “Drum Solo”, en réalité un duo, gravé à Berlin en 1978 est ajouté sur la réédition CD de 2001. Tony Allen est resté quatorze ans et plus de trente albums auprès de Fela. Avec plusieurs autres musiciens, il quitte le groupe en 1979, comme souvent suite à des désaccords sur la répartition des royalties et au manque de reconnaissance de la part du leader. Il rejouera ponctuellement avec Fela dans les années 80. Tony Allen met sur pied sa propre formation en 1979 avant de s’installer en Angleterre en 1984, puis, peu après, en France. Musicien très ouvert, il n’a jamais hésité à participer à des expériences très différentes, souvent expérimentales ou électro, soit en tant qu’accompagnateur — King Sunny Ade, Ray Lema, Amina, Pierre Vassiliu, Khaled, Doctor L, Ernest Ranglin, Sébastien Tellier, Charlotte Gainsbourg, Air, Grace Jones, Angélique Kidjo, Chicago Afrobeat Project, Gonjasufi —, soit en tant que membre à part entière — Psyco On Da Bus, Tony Allen & Jim Tenor, The Good, The Bad And The Queen avec Damon Albarn, Paul Simonon et Simon Tong, Rocket Juice & The Moon, Moritz Von Oswald Trio.
