La demande en mariage

Chaque jour, que ses tâches fussent ou non achevées, Marius César, que tout le monde appelait uniquement par son patronyme, grimpait jusqu’au plus haut point de son domaine, du côté où s’étageaient ses hectares de vigne. C’était son lieu privé, le saint des saints, un sanctuaire où il se recueillait et reprenait des forces, rien qu’à boire l’air vif. C’était aussi le cabinet de travail ouvert aux quatre vents où, assis sur une grande pierre plate, il bâtissait le devenir de son domaine de la Grand’Terre, là où naissaient ses projets et où il prenait ses décisions importantes.

Ce jour-là, les pensées qui s’agitaient sous son front protégé par un grand chapeau lui façonnaient un masque dur, et ses sourcils rapprochés montraient combien il était contrarié. L’homme avait un problème à résoudre et cela le tourmentait depuis quelque temps. Son fils Amédée attendait qu’il agît, il devait faire vite à présent.

Une image le hantait et l’agaçait, le contrariait aussi : celle d’un couple. Un jeune homme et une très jeune fille. Ils se tenaient par la main. Lui était grand et mince, mais robuste, et ses cheveux blonds formaient comme un petit toit de chaume sur sa tête fière. Il était beau. Les longs mois de service militaire, en vigueur en cette fin du dix-neuvième siècle, ne l’avaient pas abîmé. Il était revenu prêt à seconder son père. La fille semblait presque une enfant. César l’avait reconnue. La fille de Bertrande. Une rouquine aux yeux de chat. Si jeunette, si naïve, qu’on disait sauvage et qui l’était sûrement. Mais avec Amédée, sa langue se déliait, elle babillait, elle riait, aussi. Il ne s’était pas manifesté, mais s’était arrêté un instant, surpris par quelque chose qu’il n’analysait pas, vaguement conscient d’avoir assisté à une scène toute simple et à la fois la manifestation d’un authentique amour.

C’était l’hiver dernier, et soudain, elle avait dit : « Il neige, Amédée ! Le ciel est tout blanc ! C’est un grand oiseau blessé qui