LA FEMME DU MONSTRE
Son amie a mis un bon bout de temps à la reconnaître. « Ghislaine ? C’est bien toi ? » Jadis admirée pour ses tenues éblouissantes, Ghislaine Maxwell cultive désormais une allure passe-partout. Son visage autrefois savamment fardé est aujourd’hui dépourvu de tout maquillage. Et elle n’a visiblement plus fait de régime depuis longtemps. Toutes traces de la vie glamour qu’elle a menée durant des années, souvent au bras de Jeffrey Epstein, ont totalement disparu. En ce jour de printemps 2018, sur ce vol Miami-New York, la quinquagénaire anglaise pourrait être n’importe qui – voire personne.
Ghislaine Maxwell a vendu peu avant sa maison de 650 mètres carrés au cœur de Manhattan et, si elle rejoint New York ce jour-là, elle n’y a plus de domicile officiel. Pensant rester incognito, elle ne s’attendait pas à être reconnue par cette vieille connaissance assise juste derrière elle. « J’ai été sous le choc en la voyant : j’aurais pu ne pas la reconnaître », explique la passagère, qui préfère rester anonyme. Elle a pourtant côtoyé Ghislaine à toutes les époques. D’abord lorsqu’elle était la benjamine adorée de Robert Maxwell, magnat britannique des médias, mort en 1991 dans de mystérieuses circonstances. Puis lorsqu’elle s’installa dans un appartement modeste à New York et commença une nouvelle vie de consultante en entreprise. Mais aussi lorsque, assez vite, elle devint une mondaine de premier ordre à Manhattan, toujours aux bons endroits et avec les bonnes personnes. Une jeune femme aussi socialement connectée que sexuellement décomplexée, dont on dit qu’elle organisa un jour un atelier fellation entre filles de l’East Side, offrant un godemiché d’entraînement à chacune d’entre elles. Surtout, il y a eu la Ghislaine Maxwell qui a longtemps « accompagné » Jeffrey Epstein, un milliardaire qui, en 2008, a purgé une peine de prison pour avoir proposé à des mineures de se prostituer, et qui, en 2019, est retourné derrière les barreaux pour « trafic sexuel de mineurs », et y sera retrouvé mort. Un homme dont elle a géré les maisons, le ranch, l’île privée, et pour lequel elle aurait donc recruté et « préparé » de très jeunes filles, à flux tendu. Elle aurait parfois elle-même participé aux viols et aux agressions sexuelles.
Au moment de la rencontre avec son amie, elle sort d’un procès intenté par Virginia Robert Giuffre, 17 ans au moment des faits, qui l’accuse d’avoir été rabatteuse d’esclaves sexuelles pour Epstein. L’affaire s’est conclue par un accord confidentiel entre les deux parties : l’Anglaise aurait versé des millions de dollars à Giuffre pour, aussitôt, disparaître du paysage : elle a dissous son fonds pour la sauvegarde des océans, le TerraMar Project, qu’elle laisse avec des dettes d’un demi-million de dollars. Les choses ont vite mal tourné
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