« LE DEVOIR de surprendre »
On regarde Robert Pattinson surveiller Paris du coin de l’œil. Nous sommes l’après-midi du 17 janvier 2020, autant dire au siècle dernier. Il est emmitouflé dans un blouson de laine qui lui tient chaud et tire sur une cigarette électronique comme un enfant tête son doudou. La terrasse du Bristol donne sur les jardins des Champs-Élysées. D’ici, il peut apercevoir le Louvre. En face, c’est Orsay. Il est accoudé là depuis cinq longues minutes et, à bien l’étudier, il a quelque chose en ce jour de Batman, le super-héros mélancolique, juché sur le plus haut des immeubles de Gotham City. Robert contemple Paris comme une chauve-souris, mais il ne sait pas encore quel symbole se trame derrière ce chiroptère. Il pense sans doute aux quelques maigres semaines qui le séparent du tournage de The Batman prévu fin février. Il pense à l’entraînement censé lui donner un corps de chevalier noir sauveur de la planète et non de mannequin. Cette préparation a déjà pris du retard, dû sans doute à la fatigue accumulée sur le tournage de Tenet de Christopher Nolan qui a duré six mois et n’est terminé que depuis une poignée de jours. « The Batman aussi, ce sera en gros six mois. Le film de Nolan, on l’a commencé en mars 2019 jusqu’à la mi-novembre. Et le lendemain, j’ai enchaîné sur les répétitions du Batman, la préparation physique, les costumes... En tout, j’ai dû avoir deux jours de congés. »
« C’est plaisant de vieillir, de voir des projets différents m’éloigner de ceux de ma jeunesse vampirique. »
Robert ne sait pas encore que, tout Batman soit-il, il finira lui aussi par attraper le Covid – transmission funesteancien compagnon de route de James Gray et JJ Abrams), réunissant Zoé Kravitz, Paul Dano et Jeffrey Wright, devra s’arrêter une seconde fois (après une pause en mars pour cause de confinement mondial) alors que les premières bandes-annonces ont été lâchées dans la nature. Sombres, anxieuses, fiévreuses. Exactement comme si, depuis Robert Pattinson avait décidé de se spécialiser dans des films à la fois spectaculaires et hantés par un monde au bord du gouffre. Évidemment, il nous est facile de dire cela à l’automne 2020, après une année où le temps et la vie se sont fracassés. Mais nous ne sommes alors qu’en janvier, l’insouciance et sa petite sœur l’inconscience sont à l’ordre du jour, même si nous ne sommes plus qu’à un battement d’ailes de la catastrophe. Et Robert Pattinson n’est pas encore cette réincarnation que l’on fantasme pop et tragique de Batman. Non. Il est seulement un trentenaire né à Londres (il y habite toujours), un jeune homme à la beauté luciférienne et/ou angélique. Ou encore un type qui est peut-être parmi les plus humains du circuit, sans doute parce qu’il voudrait que l’on se souvienne de lui comme d’un gars normal, désespérément normal. Et si c’était cela, son principal luxe ? Être plus qu’une star : être une star qui revendique sa part de réalité. Et si c’était cela sa première rencontre avec Batman, le seul super-héros qui ne possède pas de super-pouvoirs, le seul qui, sous le costume, la carapace, l’image, n’est qu’un humain, un humain trop humain ?
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