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50 Francaises qui ont fait 2020

« On se lève et on se barre »

Dimanche 3 novembre 2019, publie un entretien avec Adèle Haenel. Il n’a rien de promotionnel. Marine Turchi, qui l’a recueilli, n’est d’ailleurs pas une « journaliste culture » : ses articles portent sur le Front national (qui en a fait sa bête noire) et, depuis 2017, sur les violences sexuelles. Adèle Haenel y livre un récit qui a nécessité des semaines d’enquête dans le milieu parfois fermé du cinéma français. Elle accuse ce soir-là le cinéaste Christophe Ruggia d’attouchements et de harcèlement sexuels lorsqu’elle avait entre 12 et 15 ans et qu’elle tenait le rôle principal du film (Ruggia réfutera ces accusations tout en demandant publiquement pardon à Haenel). L’entretien fait date parce qu’il divise ses commentateurs : ceux qui y voient une histoire d’amour univoque entre un adulte et une enfant, condamnable mais qui ne fait pas système, et ceux qui y lisent le poids d’un milieu vertical qui a toujours fermé les yeux sur le pouvoir et l’influence des réalisateurs et des producteurs au nom de l’art et d’un droit à la relation « particulière ». L’affaire entre en collision avec la sortie, dix jours plus tard, du de Roman Polanski, cinéaste condamné pour abus sexuel sur une jeune fille de 13 ans en 1977. Les avant-premières du film se passent sous les cris des collectifs féministes qui préviennent que l’excuse (élimée à force de servir) de la séparation de l’homme et de l’œuvre ne passera plus. Le climat se tend jusqu’à la soirée des César 2020 où deux films rivalisent: avec Adèle Haenel et Quand l’académie décerne le prix du meilleur réalisateur à Roman Polanski, l’actrice et sa réalisatrice, Céline Sciamma, quittent la salle en hurlant « La honte ! » Les César, dont le bureau est majoritairement composé d’hommes blancs et pas toujours de première fraîcheur, ont cru se payer les féministes 2.0 ; ils viennent de soulever une vague plus forte encore, qui attendra le dimanche après-midi pour trouver son « J’accuse » (celui de Zola) dans une tribune signée de Virginie Despentes et publiée par – un long uppercut porté par une scansion : « Désormais on se lève et on se barre. » L’autrice de fait de la colère d’Adèle Haenel et de son refus de rester là à applaudir un cinéaste condamné pour viol sur mineure, le point de départ d’une lutte qui oppose les subalternes aux puissants. Comment ne pas penser à une autre séquence de la soirée, moins médiatisée mais pas moins décisive : le discours d’Aïssa Maïga sur l’absence de diversité dans le cinéma français : « On est une famille, on se dit tout non? » feint-elle de demander avant d’entamer un décompte des personnes racisées dans l’assistance. Le malaise est profond : « La différence ne se situe pas entre les hommes et les femmes mais entre les dominés et les dominants », écrit Despentes dans sa tribune. Quelques mois plus tard, Maïga et Haenel évoquent dans leurs engagements convergents : « Il faut établir un lien entre les violences policières, le racisme qu’on peut rencontrer dans d’autres espaces sociaux, la question de l’égalité femmes-hommes », dit Maïga. En juin, des dizaines de milliers de personnes se rassemblent contre

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