ORAISON SILENCIEUSE
La plasticienne Eva Jospin avoue d’ailleurs volontiers son » pour la forêt, lieu de quête et de connaissance où l’on peut se confronter à ses peurs d’enfant, se perdre ou se retrouver… Ses. Sculpté, découpé, élagué, poncé, collé, au fil d’un lent processus tenant de l’artisanat, le carton devient la matrice d’où jaillissent arbres et pavillons, formes végétales ou minérales, organiques ou architecturales. Se promener dans une exposition d’Eva Jospin équivaut donc à s’enfoncer dans une jungle rêvée, où, comme à Angkor, la nature, lentement, reprend ses droits sur la culture. Invitée par le Centre des monuments nationaux à s’exprimer dans la majestueuse abbaye de Montmajour, l’artiste a dû cette fois se confronter à la très longue histoire du lieu. Cette acropole sacrée, joyau de la chrétienté provençale, s’élève sur un pic rocheux dominant la plaine de la Crau, à 4 kilomètres d’Arles. Ici, un monastère roman, en partie troglodyte, accueillait dès le X siècle une communauté de bénédictins dédiés à la prière pour l’âme des morts. Eva Jospin a donc dressé, au centre de l’église abbatiale, une tour de trois étages faite de carton stratifié, un cénotaphe, monument élevé à la mémoire des défunts dans un lieu où leurs corps sont absents. Cette architecture hybride, à la fois minérale et végétale, résonne puissamment sous les voûtes de Montmajour, telle une prière venue d’un lointain passé rupestre et funéraire. Elle est accompagnée de deux autres œuvres, « Capriccio » et « Grotte Folie», évoquant les éléments qui ornaient jadis les palais et les temples. Plein d’un bruissement d’âmes évaporées, ce parcours fervent, entre décor ancestral et construction imaginaire, nous invite à écouter la parole des pierres.
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