Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band
DÈS L’AUTOMNE 1966, LES BEATLES VEULENT arrêter les Beatles; leur célébrité les emprisonne, les accable de problèmes. “On en avait marre d’être les Beatles, a révélé Paul McCartney des années plus tard. On détestait cette putain d’apparence des ‘quatre mecs à frange’. On n’était plus des gamins, mais des hommes. C’était fini, ces conneries de gosses, ces cris… On n’en voulait plus.” ✽ Après leur concert du 29 août à San Francisco, ils arrêtent le live pour de bon. Des rumeurs de tension au sein du groupe se propagent quand ils ne sortent aucun disque pendant des mois. ✽ Jusque-là, leur influence a été sans équivoque – leur popularité a encouragé une myriade de groupes rivaux au milieu des sixties –, mais quand émerge un nouveau style musical aventureux et nourri aux hallucinogènes venu des États-Unis (et avec des groupes de Londres, comme Pink Floyd), il apparaît soudain que la musique populaire pourrait leur passer à côté. Si leur dernier album, Revolver, a été le plus novateur d’entre tous, les Beatles comprennent que tout nouveau disque peut annoncer leur triomphe ou leur fin; ils doivent enregistrer quelque chose qui va rétablir leur prééminence.
De fin 1966 à début 1967, le groupe va ainsi concevoir l’album le plus important de l’histoire du rock: Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band. “C’était génial, en fait, a expliqué McCartney dans Rolling Stone. Comme on ne tournait plus, les gens des médias commençaient à se dire que la pause était trop longue, ce qui créait un vide, et ils pouvaient dire du mal de nous. Genre: ‘Oh, ils ont perdu l’inspiration!’ Mais ce n’était pas le cas. C’était assez cool! En coulisses, on savait ce qu’on faisait et c’était très loin de la panne d’inspiration. En réalité, l’opposé se produisait: il y avait une grosse explosion de forces créatives.”
Que les Beatles le veuillent ou non, s’est mis à symboliser – immédiatement – les ambitions, les désirs et les peurs d’une génération. Depuis l’émergence du groupe en 1963-1964, la culture des jeunes a énormément changé. Ce qui, à cette période, a débuté comme un consensus de goût et de style – avec les Beatles en son centre – s’est mué en une vision du monde provocante. Le rock des sixties, avec les droits civiques, le mouvement antiguerre du Vietnam et un désir de masse de goûter à la marijuana et au LSD, a donné à la jeunesse un nouveau sentiment de puissance. Ce moment – où les façons de vivre et de contester le pouvoir se transforment – est une période de promesses, mais aussi de doutes et de risques. Aucune oeuvre n’a encore incarné ces nouveaux sentiments de communauté, d’idées et d’art. Rien, jusqu’à
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