Les pêcheurs français en pleine brume
« NOTRE PREMIER MOYEN DE PRESSION EST NOTRE UNITÉ » AMÉLIE DE MONTCHALIN
Guy Loir est soulagé. Les autorités de Guernesey lui ont donné l’autorisation de retourner pêcher dans leurs eaux. L’affaire a duré une semaine. Et janvier 2021, après la période de transition, durant laquelle rien ne changera. « S’ils nous interdisent l’accès à leurs eaux, je vais perdre jusqu’à 30% de mon chiffre d’affaires au printemps et jusqu’à 90% en hiver, redoute Jérôme Vicquelin, patron pêcheur à Port-en-Bessin-Huppain. Mais ce qui me fait peur, c’est le report de pêcherie. Si on ne peut plus aller là-bas, nos voisins ne le pourront pas non plus et on va être envahis par les Hollandais, qui n’ont pas les mêmes règles que nous...» Au lendemain du départ de la Grande-Bretagne de l’Union européenne, les secrétaires d’Etat Amélie de Montchalin et Sibeth Ndiaye sont venues les rassurer. Et prouver que tout le gouvernement se sent concerné. Pas question de saucissonner les négociations. «Il n’y aura pas d’accord commercial s’il n’y a pas d’accord sur la pêche », répète la secrétaire d’Etat chargée des Affaires européennes. L’interdépendance est réelle car plus de 70 % de la pêche britannique est exportée en Europe.Alors, bien sûr, les intérêts des 27 divergent sur ce sujet. Seuls 8 pays sont concernés. «Mais notre premier moyen de pression est notre unité.Les Autrichiens et les Bulgares nous soutiennent comme nous les soutenons sur d’autres sujets», assure-t-elle en rappelant que l’Europe compte 447 millions d’habitants contre 67 millions pour le Royaume-Uni. Les deux femmes veulent aussi prouver que la politique européenne n’est pas désincarnée. Que ce qui se joue concerne la vie des Français. « Le poisson, lui, ne connaît pas les frontières», plaisante la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye. Devant les représentants de la profession et les mareyeurs, elle se fait pédagogue: «Onze mois pour négocier, ça paraît beaucoup mais c’est très court. On doit rebattre les cartes de 650 accords et quarante-sept ans de vie commune.» Cette pro de la com met en garde les principaux intéressés : « On va entrer dans une négociation technique et un moment de frottements politiques. Boris Johnson veut prouver que le Brexit est un gain. Nous, il faut qu’on garde notre calme.»
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