L’ESPRIT DE RECONQUÊTE
lond comme les blés et solaire en été, chaos de pierres et de chênes verts l’hiver, l’Alentejo est aussi terre de rêves, qui ne datent pas d’hier: il suffit de compter ses innombrables pierres levées. Plus près de nous, en 1820, il y eut le rêve de Manuel, le hameau agricole, voit le jour de part et d’autre d’une longue rue empierrée. Cinquante familles y vivaient en quasi-autarcie entre forge, étables, écuries, pressoir, moulin à huile et four à pain. Vint la «révolution des œillets» et, dans son sillage, d’autres aspirations: celles d’une agriculture communautaire. Barrocal est nationalisé, et il faudra attendre quinze ans pour que ses 780 hectares reviennent à la famille de José António Uva. En piteux état. Que faire quand une telle responsabilité vous échoit à vingt ans? José António a fait ce qu’il fallait faire: il a pris le temps. Il quitte ainsi Londres pour vivre, pendant deux ans, dans la maison du jardinier, relancer l’activité agricole, réfléchir à un moyen de sauver le en ruines et de valoriser l’immense propriété sans l’abîmer. Sa rencontre avec Eduardo Souto de Moura sera décisive. Prix Pritzker en 2011 pour , l’architecte ne voit qu’une façon de préserver le patrimoine bâti de Barrocal : il faut y vivre ! Et faire évoluer les corps de ferme vers une offre de tourisme rural. Sur ses plans, les maisons des ouvriers et du régisseur deviennent des chambres et des cottages à louer, le moulin à huile se transforme en bar, le chenil en restaurant, le poulailler en boutique. Mais Souto de Moura ne touche ni aux volumes ni aux matériaux, simples et beaux. Comme les décoratrices Ana Anahory et Felipa Almeida, il veut que les gens se sentent , à la maison. Occupée à se baigner dans l’immense lac d’Alqueva, à découvrir à vélo les jolis villages blancs ou les ateliers d’artisans, cette communauté passagère est insaisissable, sauf à l’heure du déjeuner. explique José, Le troupeau de vaches alentejanes fournit la viande, mitonnée avec l’estragon, le romarin, la coriandre ou le – la menthe pouliot –, que le chef cueille avec les légumes dans le grand potager près de la piscine. Les soirs d’été, une guinguette y sert des assiettes du jardin, et un jazz-band s’installe sur les plates-bandes. Les pieds dans les salades, la tête dans les étoiles ; ici, l’un n’empêche pas l’autre. Des astronomes viennent même régulièrement donner aux clients les clés de l’ultime merveille qui brille au-dessus de leur tête: une réserve de ciel étoilé!
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