Nous ne marcherons plus dans vos pas

Par Dominique Sartori

Cet ouvrage consacre une échappée poétique originale qui porte la voix de femmes et d’hommes, incompris, exclus, égarés. Une traversée vertigineuse, humaine et sensible qui explore un espace intime entre imaginaire et réalité, au coeur des altérations de la santé mentale. Le fil rouge de ce recueil met en avant le thème universel de la différence, souvent prétexte à l’exclusion. Pour que l’oubli ne l’emporte pas, pour que perdure la mémoire de ces femmes et de ces hommes, nous vous emmenons au coeur de leur monde intérieur. Ces brefs voyages poétiques dialoguent et résonnent à distance avec une cinquantaine d’auteurs et d’œuvres de référence.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Initié très jeune à la poésie, Dominique Sartori découvre une passion, un autre usage de la langue. La possibilité d’une primauté de la musique sur le sens des mots et la liberté de transgresser les règles classiques. Prendre le lecteur par la main et l’emmener au cœur de l’émotion, constitue l’argile qu’il façonne avec délice et passion. Economiste de la santé, il a consacré une large partie de sa vie à la conduite de passionnantes missions hospitalières en Suisse. Cette somme d’expériences lui confère une sensibilité aiguë à l’autre et une attention singulière au spectacle de la comédie humaine.

• Langue: Français
• Éditeur: 5 sens éditions
• Date de sortie: 12 déc. 2025
• ISBN: 9782889498383

Aperçu du livre

Dominique Sartori

Nous ne marcherons plus dans vos pas

À Emmanuel, Laurie, Marc, Véronique,

Michel, Anne-Lise, Romain, Julie,

Et tant d’autres…

Préface

Faire part est un don et parfois une coïncidence. Le jour où Alexandre Voisard a posé définitivement sa plume, j’ai reçu le manuscrit d’un auteur jurassien qui m’était inconnu.

Ce sont des écrits qui, pourrait-on dire, travaillent du chapeau, avec sur leur tête, en exergue, des extraits de poèmes de sages et de fous, le parapluie au soleil ou la casquette de travers. Les citations disent la puissance du sensible, plus fort que toute raison.

Lire alors ces sonnets bizarres qui sont autant de réincarnations d’asilaires, de gens perdus pour la science (mais pas pour les pharmas !), d’humains en morceaux coupés du monde si profondément que la blessure ne cicatrise plus et saigne une solitude visqueuse, indélébile, attachée comme de la mousse aux murs de Bellelay.

L’ancien asile de fou qui fut autrefois dans l’ordre des Prémontrés (je lis le Chanoine Saucy, curé des Bois, qui en publia l’historique en 1869) et qui écrit qu’ici, bien avant l’asile, « à travers les siècles fut une œuvre où l’orgueil, la cupidité et la volupté, ces trois concupiscences dont parle l’apôtre Jean, trouvèrent leur aliment et leur développement ».

Il y eut d’abord en 1136 l’édification d’une chapelle dédiée à St-Augustin là où personne n’ignorait le sacré de la source celte d’avant les textes, ce brin de source qui va se fondre et en même temps créer la Sorne, ma rivière d’enfance, celle que j’aime encore longer du côté de Berlincourt jusqu’aux Blanches-Fontaines en passant par la ferme des Grands-Champs où vivaient les Christe dont j’ai ailleurs raconté l’histoire, avec Marie Coquelicot la fille au destin inventé et son frère Jean.

Le fils bizarre, gros, tordu, bégayant qu’on allait, enfants méchants, insulter de loin avant que son père, carabine dans la main, nous menace et nous fasse fuir.

Ce même père qui se jeta dans la terre du cimetière où Jean venait d’être déposé, mort si jeune, sûrement malade et aimé, ô combien, par son sauvage de père ; exit le fou des Grands-Champs qui jamais ne fut enfermé à Bellelay.

Autrefois, mon bon monsieur, on gardait les spéciaux dans la famille, et les malades aussi et les vieux parents bien sûr qui mouraient entourés des leurs, c’était autrefois, avant l’asile, l’hôpital psychiatrique, les EMS et autres mouroirs.

Ainsi de Bellelay a jailli la part bruissante du monde, la prière, l’appel aux ancêtres, puis le marmonnement, l’interjection répétée, le borborygme, tous ces mots compliqués pour dire le râle, l’incompréhension, la bouche ouverte comme un néant de nuits infinies.

Qui peut le dire sinon un témoin, le poète qui a vu les ombres, les colloques à soi-même, les yeux clos de l’ordinaire ?

Dominique Sartori n’a pas ausculté, pris dans ses bras, changé les couches