Explorez plus de 1,5 million de livres audio et livres électroniques gratuitement pendant  jours.

À partir de $11.99/mois après l'essai. Annulez à tout moment.

La couleur du bistouri
La couleur du bistouri
La couleur du bistouri
Livre électronique105 pages1 heure

La couleur du bistouri

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Après le premier attentat auquel il échappe, il relatera : «Avant, quand on me reconnaissait dans la rue, les gens souriaient, riaient. Aujourd’hui, ils me serrent la main en me disant : que Dieu vous garde.»

À PROPOS DE L'AUTEUR

Redha Souilamas, est algérien natif de Cherchell. Diplômé par la faculté d’Alger, il s’est spécialisé en chirurgie thoracique à Paris, et en transplantation pulmonaire à Cambridge et New York. Il a occupé les fonctions de Chirurgien des Hôpitaux de Paris, Professeur à l’hôpital Erasme, Université Libre de Bruxelles, et Professeur à la Cleveland Clinic Lerner College of Medicine, C.W.R University, Ohio, USA. Il s’impose comme une figure majeure de la chirurgie contemporaine innovante, entre rigueur scientifique et engagement humain.
LangueFrançais
ÉditeurChihab
Date de sortie5 déc. 2025
ISBN9789961635599
La couleur du bistouri

Lié à La couleur du bistouri

Biographies et mémoires pour vous

Voir plus

Catégories liées

Avis sur La couleur du bistouri

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    La couleur du bistouri - Rédha Souilamas

    La_couleur_du_bistouri.jpg

    La couleur du bistouri

    Rédha Souilamas

    La couleur du bistouri

    Essai

    CHIHAB EDITIONS

    © Éditions Chihab, 2025.

    Tél. : 0555 99 15 67 / Fax : 023 84 72 04

    www.chihab.com / fb : Chihab éditions

    ISBN : 978-9961-63-559-9

    Dépôt légal : novembre 2025

    Je dédie ce livre à

    Nacira, sans qui rien n’aurait été possible,

    mes trois enfants, en témoignage

    de mon amour profond.

    Braham, l’homme aux souliers cousus de fils d’or,

    Hosni, que je n’ai pas vue partir,

    Mohamed-El-Kebir et Fatma-Zohra,

    pour l’enfance qu’ils m’ont offerte.

    Farid, ce frère disparu

    Quand plus tard, j’ai eu l’occasion de rencontrer, au cours de ma vie, dans des couvents par exemple, des incarnations vraiment saintes de la charité active, elles avaient généralement un air allègre, positif, indifférent et brusque de chirurgien pressé, ce visage où ne se lit aucune commisération, aucun attendrissement devant la souffrance humaine, aucune crainte de le heurter, et qui est le visage sans douceur, le visage antipathique et sublimé de la bonté.

    Marcel Proust, À la recherche du temps perdu.

    Première partie

    L’exil

    Je n’ai jamais trop aimé m’étendre sur les raisons qui m’ont poussé à quitter l’Algérie pour la France. Disons simplement qu’une rencontre, comme il en existe quelques-unes dans une vie, a pesé lourd dans la balance. C’est ainsi que je me suis retrouvé à Paris, un jour de décembre, quelque part à la fin du siècle dernier, avec une valise, un doctorat en médecine de la faculté d’Alger, et l’idée, pas très raisonnable, de me lancer dans des études de chirurgie.

    Quelques jours à peine après mon arrivée, je décroche un rendez-vous dans un hôpital de la banlieue chic. Celui-là même où j’avais été opéré quelques années auparavant. Un détail sans grande importance pour eux, mais qui, pour moi, créait une sorte de lien, un signe.

    L’idée d’entrer dans un service de chirurgie français m’excite autant qu’elle m’effraie. Je suis partagé entre curiosité et peur du ridicule. Un camarade rencontré à mon arrivée n’a rien fait pour m’apaiser. Fils d’immigré, né ici, il n’avait pas réussi à entamer ses études de médecine en France. Recalé, il avait dû se rabattre sur Alger, où nous nous étions croisés. Revenu ensuite pour se spécialiser, il me prévient avec assurance : « Tu n’as aucune chance, la médecine française, c’est un autre monde. » Il s’y connaît, dit-il. Après tout, lui n’y avait même pas été admis.

    Je me rends au rendez-vous avec le docteur Rousseau, chef du service de chirurgie, tendu comme un candidat au concours, avec le cœur dans la gorge.

    Le docteur Rousseau me reçoit dans un grand bureau où tout semble à sa place, y compris la distance. Il accepte avec politesse mon modeste présent – un assortiment de dattes et une bouteille de vin d’Algérie, comme le veut la tradition entre ex-colonisés et ex-colonisateurs bien élevés.

    Il m’explique, sans insister, qu’il m’a reçu par courtoisie : je suis, après tout, un ancien patient. Entre deux phrases, il glisse quelques questions pour jauger mes connaissances. Un petit test masqué en entretien de courtoisie. Puis, tout aussi doucement, il m’annonce qu’aucun poste n’est libre dans son service. Il conclut sur une note prudente : « Si une opportunité se présente, on vous appellera. » Avec un sourire qui laisse peu de place au doute.

    Je sors du bureau soulagé que ce soit fini, mais déçu de ce premier essai. Rien n’avait craqué, rien n’avait pris. La France hospitalière venait de m’ouvrir la porte avec les gants, mais sans vraiment m’inviter à entrer.

    Le recrutement

    Quelques jours après l’entretien, à ma grande surprise, le docteur Rousseau me rappelle. Un poste s’est libéré, dit-il. En réalité, un autre médecin étranger vient d’être remercié pour des raisons administratives. Il doit rentrer dans son pays. Je peux le remplacer. Quatre mois de contrat. Je n’en espérais pas tant. Je saute sur l’occasion, un peu gêné pour le collègue écarté, mais résolu.

    Reste la question de la carte de séjour, condition indispensable pour occuper le poste. Il me faut une inscription universitaire. Problème : nous sommes en février, les délais sont passés. Ma femme, qui a le sens du système, parvient à me dénicher une place dans un diplôme universitaire en « médecine d’urgence ». Ce n’est pas la chirurgie, mais on m’explique que peu importe le contenu, seule l’inscription compte. Voilà comment je me retrouve, carte d’étudiant en poche, autorisé à travailler. Le pays commence à me plaire.

    Mon aventure hospitalière en France commence un matin gris de février 1989, sous le titre pompeux de « faisant fonction d’interne », ou FFI – rien à voir, je précise, avec les héros de la Résistance. Ici, ce sigle désigne plutôt les fantômes du système, les indispensables provisoires. Ce jour-là, revêtu d’une blouse blanche neuve – un costume de scène –, je fais mon entrée officielle. Le docteur Rousseau me présente au service de chirurgie. Côté médecins, on y entend surtout des accents d’ailleurs. Côté infirmiers, c’est plus homogène : du cru, bien français, sans exotisme.

    Le docteur Oujdi, chirurgien marocain, attaché – c’est-à-dire un cran au-dessus de moi sur l’échelle bancale des statuts, mais toujours sur une marche branlante – est chargé de m’accompagner. Il est flanqué de deux assistants : l’un marocain, l’autre syrien. Tous me souhaitent la bienvenue avec un sérieux bienveillant.

    La salle de garde du petit hôpital

    Ils m’emmènent déjeuner dans une salle réservée aux médecins. Je découvre les rites : ici, on se salue en posant une main sur l’épaule, geste étrange mais codifié, qu’on adopte vite pour ne pas détonner. Je pénètre ensuite dans ce qui deviendra un décor familier : la fameuse salle de garde.

    Là, c’est un autre monde. Les blouses tombent, les voix montent. On y mange, on y rit, on y décompresse. Un théâtre de la seconde vie hospitalière. Les visages sont variés, mais beaucoup portent l’empreinte de l’ailleurs. Quelques-uns, plus rares, semblent taillés dans le bois local : ce sont les titulaires. Le tout forme une petite société apparemment soudée, partageant la même table, parfois le même humour, souvent la même fatigue. Seuls quelques plats – charcuterie en tête – dessinent encore les frontières invisibles.

    Je les observe, comme un enfant devant un manège qui tourne sans lui, fasciné et un peu inquiet à l’idée de devoir bientôt y monter.

    Les chirurgiens de l’ombre

    Au bloc opératoire, l’ambiance est feutrée, les salles sont propres et bien rangées. Tout le monde circule selon un mode fluide et organisé. Comme dans un théâtre où se joueraient plusieurs pièces en même temps. Chaque personnage est masqué, habillé et placé selon le rôle précis qu’il doit interpréter. J’apprendrai d’ailleurs quelques années plus tard, en suivant une formation en Grande-Bretagne, que la salle d’opération est appelée « Theater » dans la langue de Shakespeare.

    C’est là que je dois dorénavant apprendre à jouer un rôle, mon rôle, et surtout à m’y tenir, comme je le constaterai bientôt et souvent à mes dépens.

    Mon premier jour au bloc

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1