La couleur du bistouri
Par Rédha Souilamas
()
À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Redha Souilamas, est algérien natif de Cherchell. Diplômé par la faculté d’Alger, il s’est spécialisé en chirurgie thoracique à Paris, et en transplantation pulmonaire à Cambridge et New York. Il a occupé les fonctions de Chirurgien des Hôpitaux de Paris, Professeur à l’hôpital Erasme, Université Libre de Bruxelles, et Professeur à la Cleveland Clinic Lerner College of Medicine, C.W.R University, Ohio, USA. Il s’impose comme une figure majeure de la chirurgie contemporaine innovante, entre rigueur scientifique et engagement humain.
Lié à La couleur du bistouri
Biographies et mémoires pour vous
Mon histoire: 50 souvenirs tirés de cinquante ans de service Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Les personnalités les plus productives de l'Histoire Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Régime keto : découvrez la céto cuisine avec un plan de repas de 28 jours + 121 recettes cétogènes Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationElon Musk - Biographie d'un génie et d'un titan des affaires moderne Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Ma vie et la psychanalyse Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Cosa Nostra: L'entretien historique Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Livre Deux - Surnaturelle: La Vie De William Branham: Le Jeune Homme Et Son Désespoir (1933 - 1946) Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationHistoire des Mathématiques: L'histoire de Platon, Euler, Newton, Galilei. Découvrez les Hommes qui ont inventé l'Algèbre, la Géométrie et le Calcul Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLivre Six - Surnaturelle: La Vie De William Branham: Le Prophète Et Sa Révélation (1961 - 1965) Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5L'Age Du Rock : Ozzy Osbourne Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Une brève histoire des maths: La saga de notre science préférée Évaluation : 3 sur 5 étoiles3/5L'Age Du Rock : MÖtey CrÜe Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Stick Action Spéciale: Un opérateur du 1er RPIMa raconte Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Possédé par un djinn: Une victime raconte son enfer Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Ma traversée de l'enfer: L'histoire terrifiante de la survie d'une jeune fille Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationSurvivalisme: Le guide ultime pour se préparer à la survie en toutes situations Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationL'Age Du Rock : Alice Cooper Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationS'aimer soi-même à l'image de Dieu: Un chemin de guérison Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationSerigne Touba : La Résilience Spirituelle et l'Expansion du Mouridisme Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationKabazal - Les Emmurés de Tazmamart: Les Témoignages de Salah et Aïda Hachad sur l'enfer carcéral au Maroc Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Les Gardiens de la Foi : Les Khalifes Généraux du Mouridisme et leurs Réalisations Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationVie de Beethoven: édition intégrale avec correspondance Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLivre Un - Surnaturelle: La Vie De William Branham: Le Garçon Et Sa Privation (1909 - 1932) Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationGIGN : confessions d'un OPS: En tête d’une colonne d’assaut Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Ampère: Le père de l'électrodynamique qui révolutionna notre compréhension de l'électricité et du magnétisme Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationMaintenant qu'ils ne sont plus là: Le deuil après une agonie, un suicide ou une euthanasie Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa grande légende indienne et le moine Paramahansa Yogananda Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationMariée au KGB Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
Avis sur La couleur du bistouri
0 notation0 avis
Aperçu du livre
La couleur du bistouri - Rédha Souilamas
La couleur du bistouri
Rédha Souilamas
La couleur du bistouri
Essai
CHIHAB EDITIONS
© Éditions Chihab, 2025.
Tél. : 0555 99 15 67 / Fax : 023 84 72 04
www.chihab.com / fb : Chihab éditions
ISBN : 978-9961-63-559-9
Dépôt légal : novembre 2025
Je dédie ce livre à
Nacira, sans qui rien n’aurait été possible,
mes trois enfants, en témoignage
de mon amour profond.
Braham, l’homme aux souliers cousus de fils d’or,
Hosni, que je n’ai pas vue partir,
Mohamed-El-Kebir et Fatma-Zohra,
pour l’enfance qu’ils m’ont offerte.
Farid, ce frère disparu
Quand plus tard, j’ai eu l’occasion de rencontrer, au cours de ma vie, dans des couvents par exemple, des incarnations vraiment saintes de la charité active, elles avaient généralement un air allègre, positif, indifférent et brusque de chirurgien pressé, ce visage où ne se lit aucune commisération, aucun attendrissement devant la souffrance humaine, aucune crainte de le heurter, et qui est le visage sans douceur, le visage antipathique et sublimé de la bonté.
Marcel Proust, À la recherche du temps perdu.
Première partie
L’exil
Je n’ai jamais trop aimé m’étendre sur les raisons qui m’ont poussé à quitter l’Algérie pour la France. Disons simplement qu’une rencontre, comme il en existe quelques-unes dans une vie, a pesé lourd dans la balance. C’est ainsi que je me suis retrouvé à Paris, un jour de décembre, quelque part à la fin du siècle dernier, avec une valise, un doctorat en médecine de la faculté d’Alger, et l’idée, pas très raisonnable, de me lancer dans des études de chirurgie.
Quelques jours à peine après mon arrivée, je décroche un rendez-vous dans un hôpital de la banlieue chic. Celui-là même où j’avais été opéré quelques années auparavant. Un détail sans grande importance pour eux, mais qui, pour moi, créait une sorte de lien, un signe.
L’idée d’entrer dans un service de chirurgie français m’excite autant qu’elle m’effraie. Je suis partagé entre curiosité et peur du ridicule. Un camarade rencontré à mon arrivée n’a rien fait pour m’apaiser. Fils d’immigré, né ici, il n’avait pas réussi à entamer ses études de médecine en France. Recalé, il avait dû se rabattre sur Alger, où nous nous étions croisés. Revenu ensuite pour se spécialiser, il me prévient avec assurance : « Tu n’as aucune chance, la médecine française, c’est un autre monde. » Il s’y connaît, dit-il. Après tout, lui n’y avait même pas été admis.
Je me rends au rendez-vous avec le docteur Rousseau, chef du service de chirurgie, tendu comme un candidat au concours, avec le cœur dans la gorge.
Le docteur Rousseau me reçoit dans un grand bureau où tout semble à sa place, y compris la distance. Il accepte avec politesse mon modeste présent – un assortiment de dattes et une bouteille de vin d’Algérie, comme le veut la tradition entre ex-colonisés et ex-colonisateurs bien élevés.
Il m’explique, sans insister, qu’il m’a reçu par courtoisie : je suis, après tout, un ancien patient. Entre deux phrases, il glisse quelques questions pour jauger mes connaissances. Un petit test masqué en entretien de courtoisie. Puis, tout aussi doucement, il m’annonce qu’aucun poste n’est libre dans son service. Il conclut sur une note prudente : « Si une opportunité se présente, on vous appellera. » Avec un sourire qui laisse peu de place au doute.
Je sors du bureau soulagé que ce soit fini, mais déçu de ce premier essai. Rien n’avait craqué, rien n’avait pris. La France hospitalière venait de m’ouvrir la porte avec les gants, mais sans vraiment m’inviter à entrer.
Le recrutement
Quelques jours après l’entretien, à ma grande surprise, le docteur Rousseau me rappelle. Un poste s’est libéré, dit-il. En réalité, un autre médecin étranger vient d’être remercié pour des raisons administratives. Il doit rentrer dans son pays. Je peux le remplacer. Quatre mois de contrat. Je n’en espérais pas tant. Je saute sur l’occasion, un peu gêné pour le collègue écarté, mais résolu.
Reste la question de la carte de séjour, condition indispensable pour occuper le poste. Il me faut une inscription universitaire. Problème : nous sommes en février, les délais sont passés. Ma femme, qui a le sens du système, parvient à me dénicher une place dans un diplôme universitaire en « médecine d’urgence ». Ce n’est pas la chirurgie, mais on m’explique que peu importe le contenu, seule l’inscription compte. Voilà comment je me retrouve, carte d’étudiant en poche, autorisé à travailler. Le pays commence à me plaire.
Mon aventure hospitalière en France commence un matin gris de février 1989, sous le titre pompeux de « faisant fonction d’interne », ou FFI – rien à voir, je précise, avec les héros de la Résistance. Ici, ce sigle désigne plutôt les fantômes du système, les indispensables provisoires. Ce jour-là, revêtu d’une blouse blanche neuve – un costume de scène –, je fais mon entrée officielle. Le docteur Rousseau me présente au service de chirurgie. Côté médecins, on y entend surtout des accents d’ailleurs. Côté infirmiers, c’est plus homogène : du cru, bien français, sans exotisme.
Le docteur Oujdi, chirurgien marocain, attaché – c’est-à-dire un cran au-dessus de moi sur l’échelle bancale des statuts, mais toujours sur une marche branlante – est chargé de m’accompagner. Il est flanqué de deux assistants : l’un marocain, l’autre syrien. Tous me souhaitent la bienvenue avec un sérieux bienveillant.
La salle de garde du petit hôpital
Ils m’emmènent déjeuner dans une salle réservée aux médecins. Je découvre les rites : ici, on se salue en posant une main sur l’épaule, geste étrange mais codifié, qu’on adopte vite pour ne pas détonner. Je pénètre ensuite dans ce qui deviendra un décor familier : la fameuse salle de garde.
Là, c’est un autre monde. Les blouses tombent, les voix montent. On y mange, on y rit, on y décompresse. Un théâtre de la seconde vie hospitalière. Les visages sont variés, mais beaucoup portent l’empreinte de l’ailleurs. Quelques-uns, plus rares, semblent taillés dans le bois local : ce sont les titulaires. Le tout forme une petite société apparemment soudée, partageant la même table, parfois le même humour, souvent la même fatigue. Seuls quelques plats – charcuterie en tête – dessinent encore les frontières invisibles.
Je les observe, comme un enfant devant un manège qui tourne sans lui, fasciné et un peu inquiet à l’idée de devoir bientôt y monter.
Les chirurgiens de l’ombre
Au bloc opératoire, l’ambiance est feutrée, les salles sont propres et bien rangées. Tout le monde circule selon un mode fluide et organisé. Comme dans un théâtre où se joueraient plusieurs pièces en même temps. Chaque personnage est masqué, habillé et placé selon le rôle précis qu’il doit interpréter. J’apprendrai d’ailleurs quelques années plus tard, en suivant une formation en Grande-Bretagne, que la salle d’opération est appelée « Theater » dans la langue de Shakespeare.
C’est là que je dois dorénavant apprendre à jouer un rôle, mon rôle, et surtout à m’y tenir, comme je le constaterai bientôt et souvent à mes dépens.
Mon premier jour au bloc
