Un hiver aux Îles
Par Dominique Manny
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Aperçu du livre
Un hiver aux Îles - Dominique Manny
Table des matières
LETTRE
PROLOGUE
SEPTEMBRE
OCTOBRE
NOVEMBRE
DÉCEMBRE
JANVIER
FÉVRIER
MARS
AVRIL-MAI
ÉPILOGUE
NOTES
Collection Essai
un hiver aux îles
De la même auteure
(en collaboration)
Carl Mailhot et Dominique Manny, 1995 et 1997. La V’limeuse autour du monde: six années de navigation en famille, Laval, Groupe nautique Grand Nord et Bas-Saint-Laurent, 2 vol.
Damien De Pas, Carl Mailhot et Dominique Manny, 2003. De la V’limeuse à Dingo, Montréal, Groupe nautique Grand Nord et Bas-Saint-Laurent, 359 p.
Dominique Manny
un hiver aux îles
Une histoire d’amour ou une histoire vraie ?
Logo_wampum01Comme les grains de porcelaine enfilés un à un sur les ceintures autochtones de wampum, dont le jeu des formes et des couleurs est porteur de sens, ainsi les mots s’enchaînent sur la trame des expressions, des phrases, des paragraphes et des chapitres pour signifier les émotions et les pensées des auteurs.
ÉDITION ET DISTRIBUTION
ÉDITIONS DU WAMPUM
230, rue Principale
Saint-Narcisse (Québec)
Canada G0X 2Y0
wampum@editionsduwampum.com
https://www.editionsduwampum.com
Photographies : Dominique Manny (couverture, photos intérieures) / Sébastien Roubinet (intitulé : Avril-mai)
Mise en pages : Éditions iGraf
ISBN : 978-2-925048-34-3 (papier)
ISBN : 978-2-925048-35-0 (epub)
Dépôt légal : quatrième trimestre 2025
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque et Archives Canada
© 2025 ÉDITIONS DU WAMPUM
Tous droits réservés. Toute reproduction ou diffusion en tout ou en partie par quelque moyen que ce soit, électronique, numérique ou mécanique, photocopie, support magnétique ou autre, est interdite sans l’autorisation écrite des Éditions du wampum.
Imprimé au Canada
Baie de Gaspé, août 2006¹
Mon amour,
J’ai encore rêvé de toi. De toi vivant.
Je me suis réveillée au milieu de cette baie déserte, après une longue nuit sans vent.
La marée glissait le long de la V’limeuse à l’ancre. Le dos appuyé sur le vaigrage, comme on se blottit contre le flanc d’un grand mammifère, j’écoutais le chant réconfortant de l’eau. Je pensais à toi.
Ce n’est pas tant le souvenir de toi qui m’aide à vivre, que celui de moi à tes côtés. Le souvenir de cette force amoureuse qui pendant 33 ans m’a poussée vers l’avant. De cette force en moi.
Un jour tu m’as écrit : « Je voudrais parfois te voir t’éloigner et chercher ailleurs ces tempêtes qui nous secouent tous les deux, mais nous font avancer plus vite dans l’irrémédiable pacte de l’amour. »
Était-ce donc le secret de toutes ces années ensemble ? Ne pas avoir craint le mauvais temps.
Ainsi, dans mon immense envie d’aimer, ai-je besoin de reprendre le large. Et de le faire avec elle… Regarde comme elle est belle ! Même sans voiles, immobile au bout de sa chaîne, elle me fait du bien. Si nous prenons soin l’une de l’autre, si nous affrontons ensemble le pire de la mer et du temps, nous y trouverons forcément le meilleur de nous-mêmes.
Je sais, tu voulais que je la vende. Mais on ne se défait pas si facilement de ce qu’on aime. D’ailleurs, pensais-tu vraiment que je me déferais de toi, que je referais ma vie, comme tu disais souvent ? Je ne vais rien défaire ni refaire.
Je vais simplement poursuivre ma route à la manière d’une rivière. Cette rivière dont tu as si souvent remonté le courant, parfois emporté à travers les rapides, et où, comme le saumon, tu seras finalement venu mourir. Pour toujours en moi…
Ta Manikouté
Lecture de la lettre
PROLOGUE
La pièce de séjour baigne dans la lumière de janvier. Assis devant les grandes fenêtres, Carl regarde au loin. Immobile, silencieux depuis des heures.
Mitaines aux mains, je m’apprête à sortir quand sa voix m’interpelle : « L’été prochain, ce serait bien d’aller aux Îles…
— … Avec la V’limeuse ?
— Bien sûr, avec la V’limeuse…
— Oui… j’aimerais bien. »
Sans rien ajouter, j’ouvre la porte entre deux bourrasques.
Le froid enserre aussitôt la boule dans ma gorge. Une souffrance figée là comme une planète qui aurait cessé de graviter il y a des années : le jour où j’ai su que Carl allait mourir. Le verdict n’annonçait ni le lieu ni la date — un an ou dix ans, personne n’en savait rien — mais peu importait, l’impact avait interrompu la course de nos vies. Tous les grands mouvements s’étaient immobilisés en moi. Seul l’infiniment petit tournait encore, au ralenti.
Incapable de concevoir un avenir d’où Carl serait absent, j’en suis venue à retenir mon souffle et à m’accorder pour seuls voyages ceux des souvenirs : ces milliers de kilomètres de terre et d’océans où nous avons ouvert ensemble notre voie, comme on ouvre un livre.
Nous habitons à la campagne. Une maison louée pour l’hiver, ancrée à la terre, sans espoir de dérive. Depuis des semaines, j’avance dans ce paysage où rien ne bouge, avec ma vie au repos. Je marche, je marche, et à défaut de voir loin devant, je m’interroge. Où puisons-nous le sentiment d’être heureux ou malheureux ? Combien d’éléments nos antennes captent-elles ? La souffrance de mon compagnon pèse-t-elle davantage dans la balance que le bonheur de mes chiens et la beauté qui m’entoure ?
Ce matin, pourtant, mon obsession de l’instant présent s’estompe et j’atteins la lisière du bois, portée par cette idée d’aller aux Îles… de descendre le fleuve à la voile, de naviguer à nouveau à bord de la V’limeuse. Il me semble soudain que même la forêt a troqué son calme habituel contre un décor de circonstance. En ce lendemain de tempête, elle s’anime sous les assauts du vent. La neige déferle du haut des arbres par vagues successives, éclaboussant l’air de poudreuse. Et lorsque le soleil s’amène à travers cette blancheur, quelque chose remue en moi.
Je connais le pouvoir de l’hiver sur les événements importants de ma vie. Un peu comme le contre-courant naît du courant, j’entre en ébullition au contact du froid. J’ai connu l’amour par trente degrés sous zéro, conçu nos enfants entre décembre et février… et il m’arrive d’accoucher d’idées lumineuses quand j’ai les deux pieds dans la neige.
La pensée qui germe ce matin n’a rien d’ordinaire. Je la sens grandir, s’épanouir et viser toujours plus haut. Impossible de la freiner. Elle m’entraîne, attirée par les espaces comme le cerf-volant — avec, toujours, cette longueur d’avance sur la main qui tire les ficelles. Déjà rendue aux Îles, puis encore plus au nord, partie en reconnaissance dans des lieux de glace, infiniment sauvages… Regarde comme c’est beau !
Une idée folle, libérée dans les courants de l’esprit. Indifférente aux objections, détachée de toute souffrance, elle redonne à ma vie le tout premier signal de son cours propre. Et l’envie de survivre.
* * *
Golfe du Saint-Laurent, six mois plus tard.
La V’limeuse gîte bord sur bord. Elle roule comme une bouteille à la mer, lancée avec l’espoir qu’elle touche terre.
« Maintenant, je me souviens pourquoi je n’aimais pas la voile tant que ça ! », soupire Évangéline en s’adressant à sa sœur Noémie, allongée plus loin sur la banquette.
De leur position, mes deux filles visualisent très bien l’étendue de la pagaille. Un amas de vêtements mouillés encombre le coffre moteur, en fait, déborde jusqu’au plancher ou du moins ce qu’il en reste de visible. Partout, le bordel. Une superposition de coussins, bidons, bottes, qu’il faut enjamber en s’agrippant ici et là… et d’ailleurs pour aller où ? L’idée même de se déplacer semble saugrenue. Ce serait ouvrir une porte à ces liquides gastriques qui cherchent la sortie de secours. Comme pour le contenu du paquet de semoule mal fermé, échappé en pluie fine et maintenant répandu dans tous les recoins de la cuisine.
Depuis que nous avons quitté la baie de Gaspé, la mer chaotique a repris ses droits. Chaque parcelle de nos êtres s’accroche. À commencer par le cœur. Malmenés, nos organismes se rebiffent, réclament la stabilité horizontale. Repos complet, menacent-ils. Doux Jésus ! Moi aussi, comme Évangéline, j’avais oublié.
Vrai que nous sommes partis un peu en cabochons. Sans avoir tout bien attaché, rangé, en prévision du pire. Pressés par l’annonce d’une fenêtre météo dont je mesure mieux, à l’heure actuelle, l’illusoire confort. Les grains se succèdent bel et bien par l’arrière, mais sur une mer hérissée de tous poils. Un désordre de vagues anarchiques. Les rafales courent à leur surface comme si elles avaient le feu aux trousses.
Fascinant comme la mémoire s’anime sous l’impulsion. Une relation s’établit avec la chambre close où nos souvenirs de mer dormaient. Rythmant le roulis, ce bruit sourd de l’arbre d’hélice qui tourne, accélère, de quelle manière est-il lié à notre inconscient pour que les enfants aient mal au cœur simplement en l’écoutant ?
Et la nuit qui s’en vient. Dormez, petits enfants… Mais non ! Évangéline, Noémie et Sandrine sont devenues grandes et ont perdu ce privilège. Mes trois filles, épargnées vingt ans plus tôt, manœuvrent aujourd’hui les vingt tonnes d’acier, prennent les ris, affalent ou renvoient la toile. Parfois, elles se tournent vers Éric, le compagnon de Noémie et seul homme à bord, pour un coup de muscle, mais, défi oblige, elles souhaitent bientôt maîtriser seules la bête.
Durant les trente heures de la traversée jusqu’aux Îles, tout sera pourtant remis en question. Dans un silence de circonstance. La mer nous suggère une économie de gestes et de paroles. Encore une fois, elle ébranle nos convictions. Ce qui semblait solidement amarré sur la terre ferme lâche prise au fur et à mesure que les conditions se détériorent. Bientôt, l’esprit négocie chaque mouvement du corps.
« Tout est dans la tête », me répétait Yves Parlier un mois plus tôt, avant le départ de la Transat Québec Saint-Malo. Nous parlions de course au large, mais nous aurions pu parler d’autre chose. Tout est dans la tête, oui. Devant la rébellion du corps, seule une puissante motivation freine le sauve-qui-peut général, ce goût de fermer les yeux et de s’évader.
Je regarde le cadran. Bientôt vingt-trois heures, il faut m’habiller, attraper dans le tas humide des vêtements chauds, une veste et un pantalon de ciré. Courage. Une pensée pour Carl : trop affaibli, trop stressé pour naviguer sur son propre voilier, il nous a suivis par la route depuis Montréal et se trouve maintenant à bord du traversier. Mais dans ces longues heures d’attente, peu importe le bateau, nous sommes tous réunis par l’angoisse de la nuit.
Vingt-deux ans plus tôt, en 1982, dans les mêmes eaux, nous apprenions tout cela. Le goût amer de la mer démontée. Le poids de l’eau, cette gravité qui tempère la légèreté des rêves. La brèche dans nos certitudes, avivée à chaque répétition du
