J’Étais dans la Cavalerie de Napoléon: Une Histoire Vraie du Triomphe d’Austerlitz à l’Enfer de Russie
Par Joseph Abbeel
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À propos de ce livre électronique
Dans ces Mémoires authentiques, Joseph Abbeel, simple carabinier enrôlé dans la Grande Armée de Napoléon, livre un témoignage brut et saisissant sur les campagnes impériales. De son départ comme conscrit en 1806 à la retraite tragique de Russie, il raconte sans détour la réalité de la vie du soldat : la faim, la boue, les pillages, les blessures et la peur omniprésente.
À travers ses souvenirs, le lecteur revit la gloire d’Austerlitz, l’horreur glaciale de la Bérézina, les interminables marches en Pologne et en Prusse, mais aussi les moments de fraternité entre compagnons d’armes. Abbeel ne cherche pas à se poser en héros : il avoue ses lâchetés, ses désespoirs et ses instincts de survie, offrant ainsi une parole rare, loin de la légende dorée de l’Empire.
"J’étais dans la cavalerie de Napoléon : Une histoire vraie du Triomphe d’Austerlitz à l’Enfer de Russie" est l’un des rares témoignages écrits par un soldat du rang, rédigé peu après les faits. Un récit cru, poignant et indispensable pour tous les passionnés de Napoléon, de la Grande Armée et d’histoire militaire.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Joseph Abbeel était un soldat flamand qui servit dans la Grande Armée de Napoléon de 1806 à 1815. Enrôlé en 1806, il fut affecté, en raison de sa grande taille, dans l'un des deux régiments de Carabiniers, l'élite de la cavalerie française.
Avec les Carabiniers, il participa aux campagnes de 1806 à 1812, vivant les triomphes sanglants en Prusse, en Pologne et en Russie. Lors de la retraite de Russie, il décida de rentrer chez lui "pour son compte", commençant alors une incroyable odyssée faite de souffrances, de maladie, de faim et de lutte pour la survie. Il rentra finalement en son pays au terme d'une inhumaine captivité.
Les mémoires de Joseph Abbeel offrent un témoignage rare et exceptionnel sur la réalité de la vie des soldats de la Grande Armée. Loin de se prendre pour un héros, il raconte crûment ses aventures et ne cherche pas à masquer les pillages, l'horreur des opérations chirurgicales, l'achèvement des mourants et la dureté de la captivité. Son récit constitue un document précieux sur l'expérience vécue par les soldats du rang pendant l'épopée napoléonienne."
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Aperçu du livre
J’Étais dans la Cavalerie de Napoléon - Joseph Abbeel
Avant-Propos
Joseph Abbeel est né le 31 octobre 1786 à Vracene (aujourd’hui Vrasene, village de la commune de Beveren, dans la province de Flandre orientale.)
Il était fils de Bruno Abbeel et de Marie Livine Standaert.
Le registre matricule du corps nous donne la description et le résumé succinct de ses états de service :
« Taille 1,79 m ;
visage ovale et coloré ;
front plat ;
yeux roux ;
nez long et de travers ;
bouche moyenne ;
menton long ;
cheveux et sourcils châtains.
Numéro matricule au corps 865.
Détail des services : Conscrit de l’An 1806 (Réserve) ; envoyé par le département de l’Escaut, arrivé au 2e régiment de Carabiniers le 10 novembre 1806 et affecté au 1er escadron, 5e compagnie comme carabinier. Perdu dans la retraite le 25 décembre 1812.
Campagnes : 1806, 1807, 1809, 1812. »¹
C’est à la bibliothèque de l’université de Gand que le général Willems retrouva le manuscrit Ms 2878 intitulé « Gedenkschriften », terminé à Caster le 17 juillet 1817, et rédigé en flamand par Joseph Abbeel. Il le traduisit en tâchant de conserver la tournure originale du texte, tout en élaguant « un certain abus de répétitions, de redondances et d’explications superfétatoires ».
Nous reprenons ici la traduction du général Willem, à laquelle nous n’avons apporté que de minimes corrections de ponctuation ou d’emploi de temps.
Abbeel raconte qu’il habita la maison servant d’école dans son village : le général Willems en déduit qu’il devait être le fils du l’instituteur ce qui expliquait le fait qu’il était lettré et donc capable de rédiger ses souvenirs de campagne et de captivité.
La division en chapitres est celle d’Abbeel lui-même.
Ses souvenirs nous offrent un témoignage de première main, hors du commun, sur la réalité de la vie des millions de soldats qui servirent dans la Grande Armée.
Écrits peu de temps après les faits, alors que les impressions des souffrances endurées sont encore bien vivaces, avant que l’éloignement, la nostalgie et l’emprise de la légende impériale ne défigurent les faits, ils racontent crûment ce que des centaines de milliers de ses compagnons d’infortune auraient pu écrire s’ils avaient eu, comme lui, la chance d’en revenir. Mais la grande majorité de ceux qui en sont revenus n’a pas eu la force ou le courage de décrire cette succession de souffrances, au-delà de ce que l’esprit aurait pu envisager, et que ceux qui ne les ont pas vécues ne peuvent ni ressentir, ni réellement comprendre.
On voit dans ses états de service qu’il est noté comme « disparu dans la retraite le 25 décembre ». Si Joseph Abbeel ne nous avait pas laissé le récit de ses tribulations à partir de cette date, on aurait pu croire que son existence s’est éteinte, une parmi tant d’autres, dans l’immensité blanche et glaciale d’un coin inconnu de la Russie…
Les souvenirs de campagne écrits par des hommes du rang sont rares : plus rares encore ceux qui ont été écrits peu de temps après les événements.
On retiendra du récit que, au-delà des images d’Épinal présentant des guerriers joyeux et sûrs d’eux-mêmes, la vie des soldats de Napoléon était loin d’être une partie de plaisir. N’intitule-t-il pas le premier chapitre de son ouvrage, celui dans lequel il raconte son entrée au service et ses premières campagnes : « Début des misères » ?
À part les séances au cabaret où son ami Vloers achète la bienveillance de ses camarades en les régalant plus que de raison, on trouve peu de bons souvenirs dans le récit de Abbeel. Tout, dans la vie militaire telle qu’il l’a vécue, se traduit en rapport de force et débouche sur la misère : son cheval, trop fortement sanglé, s’abat ; il est condamné à marcher pendant quatorze jours en tenant son cheval par la bride et en portant son portemanteau² : punition peut-être excessive. À l’arrivée au régiment, les anciens obligent les nouveaux venus à leur céder leurs montures et à recevoir en échange les plus mauvais chevaux.
Mais ce qui est le plus frappant, ce sont les souffrances infligées par l’armée française aux populations : « nous les dévalisâmes entièrement », écrit-il par exemple.
À plusieurs reprises, Abbeel raconte, comme un fait normal, les représailles exercées contre les paysans qui défendent leurs avoirs et leurs vies. Le pillage constitue une pratique quotidienne et habituelle : vivre sur le pays ennemi est la base de la politique impériale. Les conséquences sur l’état d’esprit des militaires sont évidentes : « nous nous réjouissions de l’entrée en campagne, car nous avions dépensé tout notre avoir dans nos quartiers d’hiver et, au surplus, seule une campagne pouvait nous permettre de nous reconstituer des fonds », écrit-il, et la façon de se faire des fonds c’est, comme notre carabinier le montre de façon répétitive, spolier les populations, qu’elles soient alliées ou ennemies.
Il exprime le même sentiment de joie au moment de partir pour la désastreuse campagne de Russie : « il n’y a qu’en campagne que l’on peut faire du butin ! »
Lorsqu’il en est à décrire la station de son régiment en Prusse, la description du comportement de ce qu’on ne peut qu’appeler une soldatesque est particulièrement éloquente : « Il fallait danser comme nous chantions, sous peine d’être battus ! »
Pourtant, la Prusse était alliée à la France dans la grande entreprise contre la Russie ! Le retournement de situation était à prévoir. Abbeel, qui par la suite a traversé ces mêmes pays en tant que prisonnier de guerre écrit : « mais que chèrement durent payer ces sévices ceux qui connurent la captivité ! »
Ce qu’il ne pouvait prévoir, ce sont les développements que cette haine accumulée allait avoir sur la suite de l’histoire de l’Europe. Dans ses notes accompagnant la première édition des Souvenirs d’Abbeel, le général Willem les décrira ainsi :
« À leur tour, les Prussiens furent-ils saisis par la volonté de puissance et de domination qu’ils avaient tant haï chez les Français. Ce sortilège les entraînera dans la sarabande de la Roue du Destin, mécanique aux ordres de cet insatiable Moloch qui est le dieu de la guerre, qui ne s’arrêtera en Occident qu’un siècle et demi plus tard comme l’unique vainqueur de la folie barbare des humains, victimes illuminées des idéologies mensongères et destructrices. »
Au-delà de la rhétorique un peu embrouillée, on comprend l’idée : l’abus de la force peut entraîner par réaction un déchaînement de violence auquel nul ne peut prétendre fixer des limites.
Plus tard, c’est sur les paysans polonais que les carabiniers « passent leur fureur» :
« Nous enlevions tout, bétail, nourriture, vêtements, ne laissant à ces pauvres bougres que les yeux pour pleurer. Au cours de nos randonnées, il nous arriva de trouver des groupes de cinq à six Polonais morts d’épuisement. »
Puis c’est en Russie que le cycle des exactions, de la résistance et des représailles reprend son enchaînement infernal.
Abbeel n’hésite même pas à décrire des inconvénients rarement évoqués par les autres mémorialistes, inhérents à la nature humaine lorsqu’elle se dérègle : la vie militaire n’est pas parfumée que des effluves de la gloire. C’est la réalité toute crue qu’il nous dépeint.
Il ne se donne pas pour un héros, avoue qu’il est mort de peur pendant les batailles, sabre des êtres humains sans faire paraître plus d’émotion que s’il fauchait un épi de blé, avoue des comportements peu honorables.
Un autre aveu pourrait être noté : « (...) une arrière pensée nous incitait à nous battre : recevoir une légère blessure. N’était-ce pas le seul moyen de quitter le service ? »
Souffrances, faim, maladies, égoïsme accompagnent notre carabinier tout au long de sa carrière militaire.
Ce n’est que par exception qu’il écrit qu’il vécut heureux chez des paysans hanovriens avant la déclaration de guerre avec l’Autriche. Mais rien ne nous oblige à croire que les paysans aient été aussi heureux de la présence de leurs hôtes…
Les horreurs de la retraite de Russie sont à leur tour rapportées par Abbeel. Cet épisode ne présente guère de nouveauté en comparaison de ce que tant d’autres mémorialistes ont décrit. C’est qu’à ce moment-là, dans ce surcroît de misère, tous les rangs sont confondus. Par contre, ce que son récit présente d’exceptionnel, ce sont les tribulations d’un déserteur, car c’est ce qu’il est littéralement à ce moment : séparé de son unité et de ses chefs, il a le sentiment d’être abandonné, et ce qui fait le lien des unités militaires n’existe plus. Aussi, tente-t-il, en compagnie de quelques compagnons d’infortune, de rentrer chez lui par ses propres moyens
À partir de là, c’est l’incroyable aventure d’un homme qui n’a qu’une idée : rentrer chez lui ; il devra surmonter bien des obstacles avant d’y parvenir, éprouver une série de mauvais traitements qui sont trop souvent le partage des vaincus, notamment parce qu’il refuse de prendre du service contre ses anciens compagnons d’armes.
Dans son avertissement, Abbeel déclare n’avoir eu d’autre ambition que de raconter les événements qu’il a vécus au cours de sa carrière militaire. Contrairement à tous les généraux qui nous ont laissé des volumes de justifications et de révélations vengeresses, Abbeel ne cherche aucunement à se justifier, même de ses actions les moins honorables qu’il avoue avec une certaine candeur. C’est pour cela qu’on peut le ranger parmi les plus vrais de ceux qui nous ont laissé leurs souvenirs militaires.
Avertissement
Ami lecteur, ce récit n’a d’autre but que de narrer les évènements vécus au cours de neuf années que j’ai passées au 2e Régiment de Carabiniers à cheval.
N’en épluchez ni la forme, ni l’orthographe, bornez-vous à en suivre les péripéties et les considérations qui s’en dégagent. Je n’en attends nulle louange ! Je vous demande simplement de croire à l’entière véracité de ce récit, quelque scepticisme qu’il puisse éveiller chez un profane.
La relation s’étend depuis mon départ de mon village natal jusqu’à mon retour à Caster après neuf années de service et de campagnes que termina une période de captivité aux confins de l’Asie.
Début des misères
7 septembre 1806
Le sept septembre 1806, à dix heures du matin, je recevais une convocation à me présenter comme conscrit à Gand,
le lendemain à neuf heures. Je me rendis, comme prescrit, au bureau du département pour y solliciter un sursis de
huit jours ce qui me fut accordé. Entre-temps, ayant trouvé un remplaçant je l’amenai devant la commission médicale ; celle-ci le déclara, j’ignore pour quelle raison, inapte au service. Deux autres jeunes gens qui se présentaient dans le même but ayant également été refusés, j’estimai qu’il ne me restait qu’une issue : me présenter pour le service.
Après m’être présenté, comme prévu, je me rendis au couvent des Augustins, assigné comme logement aux conscrits. Après avoir franchi la porte, celle-ci se ferma à grand bruit sur mes talons. Une sentinelle me conduisit ensuite dans la chapelle du couvent. J’y eus mon premier contact avec la vie militaire : dès l’entrée je fus frappé par la vue d’un jeune homme affalé sur le sol et pleurant, tandis qu’un autre, debout gesticulait et sacrait.
Tout cela me parut étrange, car je n’avais jamais ni vu, ni entendu quelque chose de semblable. La nuit, impossible de dormir, la soldatesque, dans un vacarme épouvantable, brisait autels, portes, fenêtres, saccageant tout le mobilier.
Je considérais cette profanation comme l’œuvre de mécréants, et pourtant, le vendredi... je mangeais de la viande comme mes compagnons. Il est étonnant de constater avec quelle aisance l’homme s’adapte aux circonstances et... en arrive à vivre comme des porcs en un bois ! Après huit jours passés dans cette sinistre résidence, nous fûmes passés en revue par un général et je fus désigné, en même temps qu’un conscrit de Selzaete, pour le 2e régiment de Carabiniers à cheval. L’officier général nous vanta les mérites du régiment, déclarant notamment que nous devions être fiers de notre affectation et heureux à la fois, alors que d’autres attendaient toujours leur désignation.
Le jour même, sous la conduite d’un vieux sergent qui avait servi en Égypte, je gagnais Alost, en compagnie d’un certain Slabbaert, de Kalken, et d’un nommé Goemynen, de Steenhuize, également affectés au 2e régiment de Carabiniers.
Nous logions dans une vilaine auberge et ne recevions aucun ravitaillement. Écœuré, je songeai à déserter ; une connaissance, rencontrée en rue à qui je m’en étais ouvert, m’en dissuada. Le lendemain nous partions pour Bruxelles et ensuite, par étapes, à Genappe, Namur, Dinant, Givet, Fumay, Rocroy, Sart-la-Ville, Mézières, Sedan, Stenay, Pont-à-Mousson, Nancy pour atteindre Lunéville, où se trouvait notre dépôt.
10 novembre 1806
Nous étions casernés dans un château ayant appartenu au roi de Pologne Stanislas II. À notre grande surprise, nous étions les plus petits du lot !
Dès le lendemain de notre arrivée à destination, on nous habilla, on nous enseigna les rudiments de l’exercice à pied, à cheval, et les connaissances élémentaires du métier de soldat. Après huit jours, nous étions considérés comme aptes à monter la garde.
Un premier incident se situe le quatrième jour de mon arrivée : un certain Bonnaire, à peine depuis une dizaine de jours au régiment, me traite de bleu. Après une discussion dégénérant en dispute, ledit Bonnaire me provoque en duel ; crânant, je prends un sabre et l’invite à régler le différend hors de la chambrée. Devant ma détermination et dans l’ignorance de mon inexpérience du maniement du sabre, il me ferme la porte sur les talons ! Et le faraud d’éclater de rire, déclarant avoir simplement voulu me mettre à l’épreuve. Les compagnons de chambrée, flairant sa couardise, lui décochent une série de horions. Je respirais en rentrant dans la chambrée, je n’avais jamais manié un sabre !
Quelques jours plus tard, alors que je montais de garde, mon camarade Drouet vint me prévenir de l’arrivée dans notre chambrée d’un nouveau Flamand qui désirait me rencontrer. Aux dires de Drouet, ce devait être un remplaçant, qui possédait beaucoup d’argent, portait souliers à boucles d’argent et différents accessoires de toilette du même métal et était par surcroît, « un grand débauchant » (sic). N’avait-il pas, dès son arrivée dans la chambrée, fait amener deux cruches de vin ? Je priai Drouet de l’amener au corps de garde. Après avoir quelque peu bavardé, il m’invite au cabaret voisin. Bientôt, nous nous trouvions une douzaine de Flamands que le nouveau venu s’empressa de régaler. Le lendemain, il me demanda de partager mon lit. J’acceptai, à la condition que Drouet, qui était mon compagnon de lit, fût d’accord. Drouet reçut six francs ; le marché était conclu.
Depuis ce jour, je me rendais régulièrement au café avec ces camarades, pour aider mon compagnon de lit à dépenser son argent.
Je lui fis observer qu’à cette cadence, son avoir serait rapidement épuisé ; il me répondit qu’il pourrait obtenir de l’argent comme il voudrait. Dans ces conditions, nous continuâmes à vivre comme poissons dans l’eau.
Hélas, en moins de deux mois, trois cents écus avaient été dilapidés sans compter l’argent provenant de la réalisation de divers objets de valeur. Une partie de son avoir avait d’ailleurs couvert les frais de son voyage de Turnhout à Lunéville. Dès lors, il lui fallut écrire pour obtenir des fonds. Trois cents florins lui furent envoyés. Cette somme devait durer plus longtemps. J’avais en effet convaincu mon compagnon de l’inopportunité d’offrir à boire à tout venant. Mon compagnon était le fils unique de la veuve d’un avocat de Turnhout ; il s’appelait Vloers. Malgré la fortune qui devait lui revenir, il avait voulu s’engager comme volontaire.
J’y reviendrai plus loin.
Entre-temps,
