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In vigna: Dans la tête d’un vigneron
In vigna: Dans la tête d’un vigneron
In vigna: Dans la tête d’un vigneron
Livre électronique339 pages3 heures

In vigna: Dans la tête d’un vigneron

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À propos de ce livre électronique

In Vigna est le journal de bord d'un vigneron regroupant ses pensées, ses peurs, ses joies, sa poésie, ses engagements d'homme et de père au quotidien, montrant toutes les facettes du métier de viticulteur ; ainsi que la magie renfermée dans chacune de ses bouteilles de vin.
LangueFrançais
ÉditeurLe Lys Bleu Éditions
Date de sortie26 nov. 2024
ISBN9791042209605
In vigna: Dans la tête d’un vigneron

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    Aperçu du livre

    In vigna - Nicolas Lesaint

    Nicolas Lesaint

    In vigna

    Dans la tête d’un vigneron

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    © Lys Bleu Éditions – Nicolas Lesaint

    ISBN : 979-10-422-0960-5

    Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

    À ma Lilou

    J’éclairerai vos endedans

    Posant vos lèvres et en buvant,

    J’illuminerai vos yeux juste un instant,

    Ouvrant les cieux pour que vraiment

    Vous compreniez mon rêve dedans.

    Mais cela se dit crûment ?

    Que je pourrais juste un moment

    Atteindre votre endedans

    Pour fusionner être et vivant

    J’y crois encore, priez doucement

    Car je m’envole depuis longtemps

    Vers un voyage évanescent

    Je suis dehors et vous dedans

    Mais buvez-moi pour que perçant

    Je puisse éclairer vos endedans.

    Je suis là, assis, pensif, sur le bord du ruisseau.

    Je regarde, tout simplement, je regarde…

    Ma main droite puis ma main gauche. Leur douceur, leur rudesse, les accrocs et les cicatrices, la longueur des phalanges, la platitude des ongles. Je vois le grain de leur peau, je perçois les torrents de sang qui circulent dessous. Je vois les pulsations, la rougeur, les tendons qui bougent et glissent dans leurs gaines.

    Main droite amie, main gauche liée à elle…

    Pas une préférée, pas une plus forte que l’autre. Peut-être oui, si quand même, la droite favorite un peu de l’hémisphère gauche, pour les arts et l’écriture, pour la finesse de la précision de son toucher et la hardiesse de ses caresses sur le ventre de ma femme.

    Mais la gauche me rappelle à elle.

    Point de création sans un support, point de génie sans l’autre comme si la béquille de l’une pouvait être sa sœur ambidextre. Elles se regardent, se voient et à elles deux soutiennent ma tête lorsque tout va mal. Jamais la gauche n’en a voulu à la droite lorsque malgré elle le marteau dérapa et écrasa l’ongle du pouce… Jamais la gauche ne pensa se venger de sa sœur parce que maladresse du jour le sang avait coulé. Elles sont liées, elles sont deux, elles sont une, unies dans la volonté de faire et d’aider l’esprit à réaliser ce qu’il a pu un instant imaginer pour son corps. Solidarité absolue de ceux qui veulent aller ensemble vers demain sans regarder ce que l’autre a eu de mieux à un moment.

    Seconde d’éternité, elles se regardent, se joignent et dansent dans les mains des autres.

    Elles ont touché, elles ont senti la pierre, le sable, la neige, le chaud, le froid. Elles ont caressé, frappé, attrapé et clament haut et fort ce que l’histoire de l’homme qui les possède a écrit dans sa vie.

    Puis un sillon se creuse au détour du poing, s’enfonce dans la paume pour indiquer un chemin, une contre-allée de la vie que certains aperçoivent déjà… Autoroute de demain, histoire d’hier, elles se disent tout. Comme si de cette évolution naturelle, de cette préemption de la pince magique, le singe était devenu roi. Comme si le pouce prenant de la distance, le poing serré, avait pu amener l’homme à prendre toute la verticalité dont il avait besoin.

    Et je pense, et je pense et je pense, aux mains de mon père, à celles de ma mère, à celles de ma sœur, à celles de ma femme, à celles de ma fille… Je les imprime en moi, je les veux miennes. Elles me marquent et m’appellent de leurs poings pour que leur corne et leur digitale douceur calment cette peur qui est en moi.

    L’odeur de sa propre main… Surtout de la gauche cette fois-ci, favorite du roi.

    Odeur de calme, odeur de peau, odeur de vie et d’apaisement, odeur de moi et d’existence. Comme un rappel au défi de vivre, comme la larme qui vient lorsque l’on prend conscience de ne pas être comme on avait cru. Geste inlassablement répété et salvateur… Le poing serré se relâche, monte vers la face et offre au menton puis au nez la douceur de son parfum. Alors un instant, un moment, une fraction de seconde je suis de nouveau là, au bord du ruisseau et je suis calme. Odeur de l’enfance, fragilité de l’insouciance d’exister, instant de grâce où le monde tourne autour de soi…

    Puis je reviens à moi, la lumière se fait, je suis de retour dans mon monde. Il va falloir se lever, il va falloir marcher, il va falloir vivre et avancer, surmonter ses peurs et ses craintes. Avoir confiance, en soi, en les autres, en leurs mains et en leurs gestes parce que demain on ne sait pas, parce que demain peut-être tout s’arrêtera, parce que ces joies et ces peines qu’on ne voit plus, parce que ces moments où tout se frotte il nous les faut au fond du cœur, au bout des doigts, le long des paumes. Il faut les voir et ne pas les oublier pour que ce jour où, affaibli par tout cela, défoncé par cette odeur de noir, on puisse au dernier instant se raccrocher à l’espoir… De les revivre… Une fois… Une dernière fois.

    Je prends en rêve la main qu’on me tend, j’attrape le doigt et surligne sa ride, j’avance, j’avance, j’avance, sans savoir où je vais. Malgré cela j’y vais, heureux, joyeux et pénitent parce que je sais bien qu’au bout de tout cela il y aura toi il y aura moi et les autres, un tout, un simple tout qu’un instant j’aurai perçu au bord de ce ruisseau en regardant mes doigts.

    Un jour j’suis dans mes vignes

    Un jour j’suis dans la place

    Un jour j’suis passionné

    Un jour j’suis épuisé

    Un jour j’suis bien heureux

    Un jour je suis une vrille

    Un jour je suis ma fille

    Un jour je suis mon père

    Un jour je suis la terre

    Un autre je suis de l’air

    Toujours courant, toujours planant,

    Je vole au-dessus d’eux

    Je gagne à leur côté

    Et passe devant leur nez

    Un jour je suis grincheux, un autre j’suis orgueilleux

    Un jour je suis colère, un autre un peu sectaire

    Un jour j’suis dans les larmes, un autre au bord du vide

    Et le soleil arrive, lave tout et redresse mon âme

    Alors le vent se lève, les feuilles flottent et battent le rythme d’un nouveau jour.

    Un jour j’suis dans mes vignes

    Un jour j’suis dans la gare

    Un jour Abd al Malik

    Un jour le grand Nico

    Un jour j’suis dans mes grappes, un autre dans mes barriques

    Un jour je bois du vin, un autre je bois la terre

    Un peu à droite, un peu à gauche, un peu en haut, surtout en bas

    Je passe, je vais, je viens et j’entretiens ce que l’on tient.

    Un jour je suis un brave,

    Un jour un sale ringard

    Un jour je ne dors plus

    Un jour je pleure de froid

    Un jour j’ai mal au dos, un autre je pleure de joie

    Un jour je suis mon corps

    Un jour je veux qu’il sorte

    Un jour je suis vieux.

    Un jour je viens de naître

    Mais toujours je suis réel

    Un peu fou, un peu gamin à toujours regarder vers le ciel

    Pour retrouver le jour de mon enfance où tout débuta…

    Un jour je vais partir…

    Un jour je ne serai plus là…

    Et derrière moi je laisserai partir le vin des vignes

    Qui coulera encore dans les verres en rappelant à ceux qui m’ont connu

    Qu’un jour je fus bien là.

    Au centre de tout cela naît la chaleur.

    Il y fait sombre, il y fait chaud et un brouhaha extérieur tente de traverser les parois du nid. J’entends des paroles, enfin je les ressens, ondes vibratoires réussissant à atteindre mes tympans en formation, je sais déjà reconnaître celles qui tous les jours m’encouragent et me bercent pour continuer à patienter. Je ressens des caresses, des frottements, des poussées pour me contraindre à resserrer mes jambes et libérer un peu de place. Je flotte, moitié humain, moitié poisson, ne comprenant pas bien encore le pourquoi du comment ni le moment exact où j’ai pu commencer à ressentir tout cela. Quel interrupteur s’est ouvert, quel courant s’est mis à circuler dans mes veines pour qu’arrive l’instant magique où je commence à percevoir cette caresse sur mon flan…

    Et puis quelqu’un ou quelque chose a décidé pour moi et de refuge il n’y eut plus…

    Alors ce fut le choc, certains parlent de délivrance, je dirais plutôt une collision avec un univers qu’un astronaute découvrirait subitement en enlevant son casque alors qu’il pose son premier pied sur le sol sableux de la planète sur laquelle on l’a envoyé. Une violence, une déchirure, une séparation et déjà l’obligation de commencer l’apprentissage d’une autonomie humaine.

    La première femme de ma vie me prend dans ses bras, me berce, me protège, tente de m’isoler de cette rudesse qui sera mon quotidien, alors je me colle, je me frotte, je me réchauffe comme je peux…

    Et je reconnais sa voix…

    Les notes douces de cette berceuse langoureuse que je ressentais dans son ventre. Le lien est rompu, le cordon est brisé désormais seule une cicatrice de cette première séparation avec une femme me brûle le ventre.

    Est arrivée par la suite une ribambelle d’autres femmes… Déjà ma sœur, modèle, protectrice du bambin courant et gigotant pour imiter une maîtrise déjà bien plus grande que la mienne d’engins extraordinaires faisant naviguer mon esprit dans d’autres univers que mon quotidien de Lilliputien. Ma mère, ma sœur, la sœur, la mère, êtres étranges et admirables, mélange d’autorité et de douceur, de charme et de rigueur, accompagnèrent mes premières années. Façonnant mon cœur, sculptant ma sensibilité et ouvrant ma compréhension sur un monde machiste en perpétuelle recherche d’un étouffement féministe libéral et de l’utilisation de la féminité à des fins pas souvent ragoûtantes, j’ai grandi. La femme-objet, la femme modèle de puérilité incapable d’opinions, d’avis et de décisions si ce n’est celle du choix de la marque de lessive du foyer…

    Ma tante m’a beaucoup influencé aussi, institutrice, petite, mais à l’avis affirmé sur les égalités sociales à mettre en avant, discussions, confrontations volubiles et bruyantes avec des oncles titillant avec délice cette corde affective tintant quotidiennement dans la maison de mes vacances estivales.

    Les mains de ma grand-mère furent là elles aussi, recouvertes d’un papier à cigarette laissant transparaître sa fragilité, son histoire, son expérience, son savoir-faire et l’intelligence d’un esprit obligé d’abandonner ses études à une époque où la femme fille ou sœur aînée devait savoir remplacer la mère. Femme percutante, louve gestionnaire, sachant compter, gérer, aimer, voir et comprendre les faiblesses de l’âme. Femme engagée, femme usée par la vie, femme m’enseignant le respect de l’âge, des autres, du couple et de la parole donnée.

    L’adolescence est venue, m’a traversé la tête et le corps me les déformant, étirant la carcasse dans tous les sens et positionnant poils et ridules à des endroits inattendus. Être dégingandé, de travers, colonne vertébrale branlante et muscles peu impressionnants… Alors les doutes, alors les rencontres et toujours une femme, toujours une amie, toujours une confidente, capable d’entendre, d’écouter, de réconforter et de cajoler au milieu d’hommes virilement épanouis dans le sport, les contacts physiques et les propos affligeants. La douceur, la sensibilité, la conscience de strates plus importantes derrière le tableau, la finesse de l’esprit et surtout la compréhension qu’en moi aussi une femme est là. Une part de féminité acceptée, parce que capitale pour mon équilibre mental, une moitié de moi qui toujours me dit de pondérer mes pensées et d’aller au-delà du rideau de nos idées préconçues, parce qu’historiquement incrustées dans notre tissu social.

    Et puis il y eut elle. Et puis elle fut là. Double je ne sais pas, moitié complémentaire certainement, une femme, ma femme, réunissant le tout cela qui est moi, elle me grandit et m’éveille vers d’autres voies, baignant, entourant, encadrant ma vie, me donnant la dernière femme de ma vie, celle qui, portant un peu de moi, quelques gouttes de mon sang, quelques grammes de mes pensées, fut dans mes bras, dans mes mains, celles-là mêmes qui coupèrent le lien.

    Mes femmes sont tout, mes femmes sont miennes, elles sont elles et tant d’autres choses. Les vôtres sont vous, aussi, alors protégez-les, écoutez-les, aimez-les et même si parfois Mars et Vénus semblent éloignées dites-vous bien que toujours, d’une manière ou d’une autre, à un moment donné votre vie a dépendu de l’une d’entre elles…

    Alors vous repenserez au nid, alors vous percevrez de nouveau les odeurs et la douceur du refuge, celui-là même que dans vos pleurs vous suppliez de retrouver lorsque la vie vous susurre à l’oreille qu’elle va continuer à vous faire souffrir.

    Toutes mes femmes sont là, toutes mes femmes sont en moi, elles sont mon corps, elles sont mon cœur, que cette journée ne soit pas uniquement votre journée, mais plutôt la poursuite de cette reconnaissance qu’une société égalitaire devrait avoir pour vous.

    Je me souviens de la nuit…

    Je me souviens de sa fraîcheur et des phares sur la route…

    De la peur, de la joie, de cette valise qui fait une rotation dans la chambre et déverse son contenu sur le plancher.

    Je vois ta mère à côté de moi, je vois ses yeux, son regard, sa peur, sa douleur et sa joie.

    Je nous vois arriver dans un feu d’artifice de graviers et dans la recherche du lieu.

    Je me souviens de l’attente, je ressens encore les myriades de questions dans ma tête et le doux plaisir de me dire que tu es là.

    Un décor, une ambiance, une attente, des sons, des musiques, des odeurs, des moments uniques, incroyables, lents, profonds au fond de mon cœur et la douleur, et la souffrance de l’autre pour la joie et les larmes pour le bonheur.

    Alors j’ai pleuré, alors j’ai aidé autant que j’ai pu et dans un hurlement final on t’a mise dans mes bras.

    J’ai coupé le lien, j’ai rompu l’alliance acceptant immédiatement le renouveau, peau contre peau, regard l’un dans l’autre, on s’est marié, je t’ai épousé, à la vie, à la vie uniquement. Désormais tu es moi et je suis toi, ma beauté.

    Alors tu as grandi, alors tu as rempli ma vie.

    Dreamer que je suis, je t’avais déjà croisée là-haut, là-bas, dans un rêve, celui d’un père pour sa fille, celui d’un homme cherchant à comprendre pourquoi il était là.

    Maintenant je sais, je comprends tout, un but, un pourquoi, une raison, une réponse, une mission, une idée, un profil de vie et surtout un sommet à gravir avec toi sans savoir ce qu’il y a derrière…

    Tu es moi, je suis toi, cristallisation de notre amour, réalisation d’une poésie humaine au milieu d’un tout barbare que tu devras sauver. Sirène jetée à la mer, cinquième élément, tu es ma fille, tu es ma joie et ma fierté, tu es ma raison d’avoir été là au bon endroit, au bon moment pour que nos yeux se croisent et hurlent que ces mains se serrent.

    Alors tu as grandi, alors tu as transformé et rempli cet espace invisible qui vibre autour de moi.

    Chaque instant, chaque moment se fait et se fera en fonction du reflet de ton âme. De beaux moments, de bons instants et certainement des tristes aussi que j’emporterai avec moi lorsque l’instant sera venu.

    Je vois tes yeux, je vois tes mains et tes jambes. Tes cheveux, surtout tes cheveux crinière mythologique capables de capturer le cyclope que je suis, regard tourné vers toi et ton avenir.

    Je transmets, du moins j’essaie, j’ai compris que je n’étais là que pour cela, te donner les armes, le regard, toujours en contre-plongée, toujours à changer d’angle de vue pour mieux comprendre.

    Regarde, regarde différemment des autres, prends du temps et de la distance pour cela, éloigne-toi, envole-toi pour mieux comprendre les autres, les tiens, les miens.

    Sois toi, sois ton monde, ton univers, ressens les choses pour mieux les intégrer.

    Je revois ta main dans la mienne, tes doigts, oui ça va il y en a bien cinq par main, j’entends tes pleurs, tes peurs, tes angoisses, tes joies et tes plaisirs.

    J’essaie de me dire que demain un homme t’emportera…

    Un rival, un jaloux, un amant, un homme qui devra t’aimer au moins autant que moi…

    Je veux tout pour toi et encore plus, comme une supernova éclatant et englobant tout pour que toi, le centre de tout cela rayonne encore plus qu’à l’instant de ton premier souffle.

    Tu es ma fille, je suis ton père, tu es mon âme, tu es ma raison de vivre et d’avoir un moment ouvert les yeux dans les bras de mes parents. Tu es tout cela et tu me manques… terriblement.

    Tu es moi, je suis toi, je suis là, sur ce canapé, il est trois heures du matin, ta peur et ton angoisse sont passées, tu dors. Je sens ton souffle, son rythme, sa chaleur, la force de tes cinq doigts serrés sur mon index… Je suis seul dans cette maison silencieuse, ta mère dort au-dessus de nous, épuisée elle aussi.

    Désormais nous sommes trois…

    Cet instant, ce moment, cette compréhension sera toujours là à mes côtés et ne me quittera jamais ma fille.

    Nous sommes trois, nous sommes trois et tu es moi.

    Je t’aime ma fille.

    Peut-être je me trompe peut-être je m’égare, mais je ne comprends pas pourquoi la partie serait trop belle et l’engagement volontaire trop fort pour permettre à celui qui l’ose d’atteindre le col qu’il s’est fixé.

    Peut-être je me trompe, peut-être je m’égare, mais le bal est plus beau à plusieurs que seul à tourner sur ses jambes. Nous ne sommes pas nés un, mais nombreux à prendre des pistes, à choisir un angle, voyager, voler, s’orienter vers le haut, vers le bas pour grandir et atteindre la montagne là-bas. Alors tu marches, alors tu avances et doucement tu remontes le rift de ta vie. Tu colonises tes souvenirs, tu creuses des grottes dans ton cortex pour qu’à la fin du chemin ces abris deviennent tes refuges et que tu en sois fier. Autant d’espaces insaisissables, autant d’aventures intérieures riches de moments que personne ne pourra te prendre.

    Peut-être je me trompe, peut-être je m’égare, mais je vois bien que le regard de l’autre reste dérisoire alors que celui que tu as là au fond du cœur ne te lâche pas. C’est lui qui te domine c’est lui qui te pousse et t’amène, ou pas, à te respecter et à surmonter ce que tu vois. Tu te regardes en face, tu t’auscultes, tu te jauges pour savoir si ce corps que tu as reçu permet à ton esprit de faire le bien. Tracer sa route avec l’autre et non à côté de lui, épaule contre épaule, genou contre genou pour qu’au moment de franchir l’estuaire tu ne sois pas seul à ressentir le vent et à creuser cette grotte intérieure.

    Peut-être je me trompe, peut-être je me mens, mais les demains semblent plus sombres et plus violents. Pourquoi faut-il qu’à tout cela vienne se mêler l’amertume d’une jalousie sociale et raciale ? Pourquoi faut-il se voir comme des pantins dérisoires ne cherchant qu’à détruire l’autre et à prendre

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